Albert « Berry » BAUM 1922 – 1988

Albert BAUM est né le 4 octobre 1922 à Jebsheim (68).

Ses parents Emile Baum et Salomé née Bossert sont de petits agriculteurs locaux. Comme la majorité des alsaciens de leur époque Ils vont changer plusieurs fois de nationalité dans leur vie sans jamais quitter leur village de Jebsheim : nés en 1894 et 1895 sous la première annexion allemande (de 1871 à 1918)  suite au traité de Francfort de 1871 après la défaite de l’armée de Napoléon III contre la Prusse (en dédommagement de guerre la France cède à la Prusse l’Alsace et la Moselle) ils deviennent des citoyens français en novembre 1918 à la fin de la première guerre mondiale (traité de Versailles). Après la signature de l’armistice, le 22 juin 1940 avec les nazis, l’Alsace et la Moselle sont à nouveau annexées sans grande résistance de la part du gouvernement de Vichy à ce sujet. Emile, Salomé et toute leur famille deviennent des citoyens du Reich allemand. Il faudra attendre la fin de 4 longues années de souffrance sous le régime nazi pour recouvrer la nationalité française après la fin de la deuxième guerre mondiale (libération de l’Alsace entre fin novembre 44 et mi-mars 1945). Pour cette génération les gens parlent le plus souvent en alsacien qui est un dialecte d’origine germanique (beaucoup de personnes nées entre 1871 et 1918 ne parlent pas couramment le français).

Emile et Salomé ont 3 enfants : l’ainé Alfred né le 19 mai 1921 ; Albert né le 4 octobre 1922 et Lucie la petite dernière, née le 26 avril 1927. Les 2 garçons sont très complices et chamailleurs comme beaucoup d’enfants de cet âge. Pour l’anecdote : un jour leur maman leur donne un sou et les envoie acheter de la levure à la boulangerie pour faire du pain. Sur le chemin les deux se disputent et Albert de rage avale la pièce…les garçons rentrent sans levure, avec l’air coupable et s’attendent à se faire gronder. Amusé par cette situation (Albert s’inquiétait de ne pas digérer cette pièce) la maman en profita pour leur expliquer comment fonctionnait le tube digestif et promit à « Berry » (diminutif d’Albert en alsacien) qu’il allait bien récupérer « naturellement » son sou (ce qui arriva 2 jours plus tard et sa maman après nettoyage lui permit de la mettre dans sa tirelire).

Albert(1922) et son frère ainé Alfred(1921) en 1926 – coll. famille Baum-Stoffel.

Alfred, le frère ainé est passionné par l’aviation mais décédera subitement d’une méningite aiguë le 25 septembre 1938 à seulement 17 ans. En son souvenir Albert prénommera son fils unique de ce même prénom (encouragé en ce sens par sa maman qui fut terriblement touchée par sa disparition).

Albert alias « Berry » passe plusieurs étés en vacances chez sa tante Anna à Metzeral qui, dans l’impossibilité d’avoir des enfants, reportait toute son affection sur ses neveux et nièces. Il parlait souvent de ses séjours sur les contres-fort vosgiens.

C’est un grand passionné des chevaux Hafflinger (petits et trapus), il aime se promener et les activités en forêt. Comme tous les enfants de son âge il aide ses parents à la ferme tout en effectuant une scolarité exemplaire à l’école communale. Ne parlant quasiment qu’alsacien avec sa famille et ses copains il se débrouille bien en français. Il est sélectionné pour passer le certificat d’études (seulement les 5 meilleurs élèves de la classe). L’instituteur emmène Berry et ses camarades passer l’épreuve à Andolsheim (68), chef-lieu de canton, avec sa charrette. L’examen dure 1 journée : rédaction/orthographe/calculs/sciences et histoire/chant : chant patriotique dont la Marseillaise/ dessin/écriture.

Exemple d’épreuves du Certificat d’Etudes – source internet.

Berry obtient brillamment le Certificat d’Etudes et termine 1er de son canton. Suite à ses résultat l’instituteur conseille à ses parents de l’envoyer poursuivre ses études au collège mais comme souvent à cette époque les parents (avec peu de moyen) décide qu’il travaillera à la ferme avec eux. Afin d’améliorer la situation financière de la famille Albert se lance dans l’activité de débardage en forêt en joignant l’utile à l’agréable puisqu’il le fera avec ses chevaux qu’il aime tant.

Le jeune Berry avec sa jument et son poulain – coll. famille Baum-Stoffel – colorisation klm127.

Son activité de débardage (d’abord aux alentours de Jebsheim) l’emmènera jusque dans la vallée de Munster. Il connait tous les chemins forestiers. C’est là qu’il fera connaissance d’un débardeur de la vallée qui n’est autre que le père de sa future épouse Hélène; sur le berceau de laquelle il s’était penché quand il avait 4 ans lors de ses vacances chez sa tante.

La petite Hélène (en blanc à gauche), avec ses sœurs et sa maman. Sa jumelle Emma, décédera de la diphtérie à l’âge de 4 ans – coll. famille Baum-Stoffel.

Le 1er septembre 1939, veille de la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne, la mobilisation française a commencé dès le lendemain : c’est le début de la « drôle de guerre » mais Albert n’est pas mobilisé en raison de son jeune âge (17ans).

Après la défaite de mai-juin 1940 Berry et sa famille subissent le joug nazi comme toutes les familles alsaciennes et mosellanes suite à l’annexion de ces 3 départements par le Reich allemand.

Le gauleiter Wagner, qui dirige l’administration nazi en Alsace a pour objectif de germaniser et nazifier à outrance la région (Hitler avait demandé le 25 septembre 1940 à Wagner de lui annoncer dans dix ans que leurs régions étaient maintenant allemandes et purement allemandes ) : interdiction de parler le français, du port du béret ou tout autre signe distinctif représentatif de la France… sous peine d’être interné au tristement célèbre camp de sureté de Vorbruck-Schirmeck (Sicherungslager); qui est un camp de redressement et de rééducation nazi pour les réfractaire à la nazification de la région (plus de 15 000 hommes et femmes y seront envoyés).

La pression politique et idéologique sur la population alsacienne est quasi à son maximum.

Elle augmente d’un cran en 1941 lorsque le Gauleiter Wagner décrète le Reichsarbeitsdienst (RAD), qui est une sorte de service militaire obligatoire (pour les hommes et les femmes également) et atteint son apogée avec l’incorporation de Force de tous les alsaciens nés entre 1908 et 1927 le 25 août 1942 (idem en Moselle le 19 août 1942). Plus de 100 000 alsaciens et 30 000 mosellans se retrouvent ainsi à porter l’uniforme de l’armée allemande qu’ils n’ont pas choisi (reconnu comme crime de guerre lors du procès de Nuremberg en 1945), et sont envoyés principalement sur le front Russe.

C’est le cas de Berry (classe 1922) qui est incorporé de force sous le drapeau nazi, le 2 décembre 1942, comme tous les jeunes de son village qui ont le même âge. Anti-hitlérien avéré, personne de conviction, Berry part sur le front russe dans l’uniforme de la Wehrmacht, à contre coeur. Il a pensé à déserter ou ne pas se présenter à sa convocation mais le danger pour toute sa famille est trop grand

(Pour décourager les désertions le gauleiter Wagner décrète la Sippenhafft ou « responsabilité du clan » qui en cas de non-respect des dictates nazis engendre immédiatement des représailles contre l’ensemble de la famille dont la déportation).

Il participe à de nombreuses batailles sur le front russe, où il connait des périodes de très grand froid : -54°. Les conditions de vie y sont terribles (dont les poux et les puces qui résistaient à tout). Il dort chez les paysans russes ou dans la neige. Il est palefrenier en chef : c’est lui qui prend soin des chevaux des gradés. Il arrive ainsi à «se faire bien voir » bien qu’il continue à être français à cent pour cent dans son coeur.

Son bataillon finit par quitter le grand froid pour se retrouver au bord de la mer Noire par plus de 35°. L’armée allemande n’a pas beaucoup de nourriture à proposer à ses hommes qui se nourrissent de ce qu’ils trouvent dans les champs et les vignes : du raisin et des pastèques. Berry gardera toute sa vie une profonde aversion pour tout ce qui, de près ou de loin, ressemble à une pastèque ou un melon.

Les hommes sont atteints par la dysenterie et ont de nombreuses diarrhées. Mais Albert garde la foi et son humour : « Ich scheisse Hitler » dit-il à son supérieur. « die Haut » en  allemand veut dire « la peau »et le diminutif « Hitler » signifie « petites peaux ». « Chier des Hitler » quand Albert le dit, a une double connotation : évacuer les petites peaux des raisins qu’il mange et en même temps dire tout haut de ce qu’il pense du Führer !!! …mais à ses risques et péril.

Fin d’été 1944, Berry reçoit sur le front russe un télégramme qui lui apprend que son père a été renversé par son cheval et qu’il est gravement blessé : « Vater schwer verunglückt ! ». Avec le soutien de son supérieur il obtient une permission exceptionnelle (suite au débarquement de Normandie en juin 1944 la plupart des alsaciens ne peuvent plus rentrer chez eux en permission par crainte des désertions) pour rentrer à Jebsheim (toujours annexé) et y passer quelques semaines loin du terrible front de l’est.

Emile va plutôt bien. Albert en profite pour se reposer et surtout prendre contact avec la résistance grâce à sa sœur Lucie qui n’a alors que 17 ans !

Sa soeur Lucie avec son père Emile devant leur maison à Jebsheim – coll. famille Baum-Stoffel.

Berry sent que la fin de la guerre est proche. Il est rappelé par l’armée allemande en déroute pour rejoindre le front de l’est. Il quitte l’Alsace en train, envoie une carte postale de Baden-Baden (Allemagne) à sa mère et …saute du train !

Le 28 août 1944 il déserte l’armée du Reich et rentre à pied jusqu’en Alsace où il revient à Jebsheim, mais sans en avertir ses parents (pour les protéger).

Le trajet de plus de 100 kms effectué par Berry lors de sa désertion.

Sa sœur Lucie est sa complice. Il rejoint la résistance et les FFI le 28 septembre 1944. Sa grande connaissance des chemins forestiers fait de lui un passeur et un messager hors pair. Bon nageur, il lui arrive de traverser l’Ill (rivière) à la nage en plein hiver.

C’est Lucie qui le cache dans le fenil de la ferme familiale et qui lui donne des provisions. C’est durant ces mois de « cache-cache » qu’il rencontre ceux qui seront ses amis pour la vie : Charles Schwartz et Xavier Meyer. Ces deux jeunes viticulteurs de Husseren-les-Châteaux (68) sont ses compagnons de résistance et plus tard ses compagnons d’infortune.

Le 11 janvier 1945, Berry est caché dans le foin au-dessus de l’étable familiale. Une voix d’homme l’appelle : dans la cour, Lucie est tenue en joug par deux agents de la Gestapo, dont l’un crie : « Ergebe dich oder ich schiesse » (« rends-toi où je l’abats »).  Berry a été dénoncé et il se rend pour sauver sa sœur. Il prétendra toujours savoir qui était le traître, mais n’a jamais souhaité dévoiler son nom. Sa soeur Lucie devait également le savoir, mais elle aussi a emporté ce secret dans sa tombe.

L’ensemble du réseau et Berry sont déportés à Dachau (à 17 km au nord-ouest de Munich).

En tant que déserteurs il sont considérés comme des traîtres de l’armée allemande. Encore une fois, sa connaissance des chevaux va lui permettre d’avoir un « poste » privilégié. Mais il est torturé, battu, fouetté : ses escarres ont zébré son dos et il gardera ces marques indélébiles jusqu’à sa mort. Berry a très peu parlé de sa détention mais nous savons que sa position lui permettait de passer par les cuisines des officiers et qu’il en profitait pour chaparder ce qu’il pouvait afin de nourrir ses amis. Ces derniers lui promettent alors d’arroser son futur mariage au vin d’Alsace si jamais ils se sortent vivant de ce cauchemar.

Le 2 février 1945, jour de la libération de Colmar par les troupes françaises et américaines, Berry et ses amis sont condamnés à mort par le tribunal de guerre de Dachau. « Je crois que j’ai pleuré toute la nuit, toutes les larmes de mon corps » disait Berry encore bien des années après la guerre.

Heureusement l’armée allemande est déjà en déroute, c’est le chaos dans le pays et la sanction n’est pas exécutée.

Le 29 avril 1945, le 3e bataillon du 157e régiment de la 45ème Division d’Infanterie de la 7ème Armée américaine libèrent le camp de Dachau.

Les troupes américaines à l’entrée du camp de concentration de Dachau – photo internet.

Malheureusement le calvaire n’est pas terminé pour nos alsaciens. Ils ont combattu sous l’uniforme allemand et sont considérés comme des ennemis par les américains. Ils sont tous enfermés dans des camps de transit, en attendant de pouvoir justifier de leur « nationalité alsacienne » et de leur incorporation de force. Le 5 juin 1945, depuis Augsburg, Berry écrit au crayon de papier une lettre à ses parents et à sa sœur :

Mes chers parents et soeur,

Comme j’en ai l’occasion, j’en profite pour vous donner enfin de mes nouvelles. Je suis en bonne santé ce que j’espère aussi pour vous. Je me trouve dans un camp de prisonniers américain et suis l’ordonnance auprès du bureau des officiers. Nous n’avons pas encore entendu parler de libération, nos papiers d’identité ayant été détruits en prison. Comme je peux l’imaginer, vous avez dû passer de nombreuses nuits blanches depuis que je vous ai quittés. C’était pareil pour moi. J’ai été condamné à mort et il s’en est fallu de peu de jours que la sanction ne soit exécutée, mais tout est fini maintenant. Pour le travail, vous faites comme vous pouvez : je ne pense pas être à la maison pour les fenaisons mais au moins pour la moisson.

Je vous salue et vous embrasse votre Berry.

Lettre du 5 juin 1945 de Berry à ses parents – collection famille Baum-Stoffel.

Albert est enfin rapatrié le 7 juillet 1945 et ne pèse pas plus de 50 kg…il n’a pas encore 23 ans !

NB : Sur les 100 000 alsaciens et 30 000 mosellans, enrôlés de force dans l’armée allemande, les « Malgré-Nous », 32 000 d’entre eux ne sont pas rentrés à la fin de la guerre : 24 000 sont morts ou portés disparus et 8 000 dans les camps russes dont le tristement célèbre camp de Tambov.

Ceux qui sont revenus, resteront à tout jamais marqués par cette jeunesse qui leur a été volée et les souffrances endurées !

De cette triste période, Berry, comme beaucoup d’incorporés de force, ne souhaite conserver aucune photo ou document et les brûle à son retour de captivité, car ils lui rappellent de trop mauvais souvenirs.

Après son retour les blessures physiques et surtout morales vont mettre du temps à s’estomper. Berry, décide d’oublier et ne va évoquer que très rarement cette période de sa vie.  Il reprend sa vie d’agriculteur et de débardeur, ses sorties avec ses chers chevaux, ses rencontres avec les amis qui lui restent dont Charles Schwartz et Xavier Meyer qui eux aussi ont eu la chance de revenir de l’enfer !

La passion des chevaux ne quittera jamais Albert – coll. famille Baum-Stoffel – colorisation klm127.

Entre moisson et débardage, entre vaches et chevaux, Berry trouve le temps de tomber amoureux. Il retrouve la petite Hélène de Metzeral qui a bien grandi et qui est devenue une jolie jeune femme de 21 ans. Pour la retrouver, Berry n’est pas paresseux : il n’a pas de permis de conduire et pas de voiture…Metzeral est à 38km de Jebsheim. Alors pour voir son amoureuse, il prend sa bicyclette. Tous les samedis, après une journée aux champs, il enfourche sa monture et pédale jusqu’au fond de la vallée de Munster.

76 kms aller-retour tous les week-end…l’amour donne des ailes à Berry!

De son vivant Berry adorait raconter ses exploits : en été, après avoir passé la journée à la « Dreschmachin » (l’ancêtre de la moissonneuse batteuse), à transporter des sacs de blés de plus 50kg, depuis la machine, jusqu’au grenier à grains via des escaliers abrupts, il se lavait au savon de Marseille au « schepfbruna » (la pompe à bras), à l’eau froide. Puis il prenait sa bicyclette, pour aller flirter et danser car le samedi soir, c’était souvent bal populaire dans les villages. Les danseurs pouvaient virevolter jusqu’au petit matin, prendre un bon petit déjeuner, lacer leurs chaussures de marche et partir randonner sur les hauteurs vosgiennes. Et tout ça, sans dormir ! Après une journée de marche et quelques baisers partagés, Berry reprenait sa bicyclette pour retourner dans la plaine. Il lui est arrivé une fois, de s’endormir en pédalant et de se réveiller dans le fossé avec son vélo en guise de couverture !

En novembre 1947, Hélène et Berry se marient en l’église de Metzeral. Le repas des noces à lieu à Jebsheim. Il fait un temps magnifique pour une fin novembre : plus de 20 degrés et les hommes sont en manches de chemises ! Comme ils l’avaient promis, Charles et Xavier, les deux viticulteurs de Husseren-les-Châteaux(68), font acheminer des tonneaux de vin par charrette. Les invités se déplacent en bus. Ceux de la vallée sont logés chez les habitants de Jebsheim. Jeunes gens et jeunes filles dorment dans les fenils. Ils vont tous faire la fête pendant trois jours. De nombreuses idylles sont nées lors de ce mariage et les liens entre plaine et vallée se sont encore renforcés !

Le 23 novembre 1947 Hélène et Berry se disent « oui pour la vie » – coll. famille Baum-Stoffel.

De cette union vont naître successivement Christiane (2 juin 1947), Marguerite (6 janvier 1949), Alfred dit « Freddy » (22 janvier 1950) et la petite dernière Myriam (14 octobre 1961).

1966…piscine à l’ancienne – coll. famille Baum-Stoffel.

Berry travaille aux champs et la famille agrandie vit chichement. En 1961 pour améliorer les conditions matérielles de sa famille Albert décide de travailler également à l’usine Hild de Jebsheim.

Tout au long de sa vie Berry, en tant que président des anciens combattants, milite pour la reconnaissance de la nation du sacrifice et de la souffrance des incorporés de force et rencontre à ce sujet plusieurs fois André Bord (Ministre et ancien réfractaire et résistant alsacien) et Edmond Borocco (député et ancien résistant alsacien).

Diplôme et médailles d’Albert Baum – coll famille Baum-Stoffel.

Berry part en retraite anticipé à l’âge de 56 ans mais il ne va pas profiter longtemps, auprès de sa chère et tendre Hélène de celle-ci. Il décède malheureusement le 22 février 1988 à Colmar, à l’âge de 66 ans, des suites d’un cancer du foie foudroyant (Le 30 janvier, il était encore en forêt pour faire son bois de chauffe).

Eté 1987…le Bonheur se lit sur les visages d’Hélène et Albert – coll. famille Baum-Stoffel.

Nous remercions chaleureusement Myriam, sa fille, qui nous a mis à disposition l’essai autobiographique de son père (et sa famille) qu’elle a écrit en 2021 afin de partager cette Histoire au plus grand nombre et rendre hommage à son père et tous ceux et celles de sa génération qui ont été happés par les évènement tragiques de 1940 à 1945 pendant l’annexion de notre région par le régime nazi .

Nous laissons à Myriam Stoffel le mot de la fin :

« Pour que nos enfants et petits-enfants, n’oublient jamais

que leurs aïeux se sont battus pour un idéal d’identité,

et pour le pays qui était le leur, La France.

Pour que nos enfants et petits-enfants, n’oublient jamais

que leur liberté d’aujourd’hui, est au prix des combats menés

par des hommes et des femmes comme leur arrière grand père.

A mon père,

Berry et ses chevaux – famille Baum-Stoffel.

Henri André BOUCHARD 1919 – 2009

André Bouchard au 9ème Régiment de Zouaves – collection famille Bouchard.

André est né le 4 juin 1919 à Alger en Algérie où en dehors de ses études il passe son temps libre sur les courts de tennis…

…la plage et se promène dans « Alger la Blanche », surnom de la capitale algérienne en raison de ses nombreuses maisons blanches où il fait bon vivre.

Employé de bureau en 1939 il est « classé armé » par le conseil de révision d’Alger et est appelé à l’activité (service militaire) au 9ème Régiment de Zouaves (9ème RZ)  le 15 novembre 1939.

Insigne du 9ème RZ d’André Bouchard. coll. famille Bouchard.

Il arrive au 9ème Zouaves le 27 novembre 1939.

Photo prise en septembre 1939 lors de son incorporation au 9ème RZ à Kolea qui se trouve à 26kms au nord-ouest d’Alger – coll. famille Bouchard.

A compter du 16 mars 1940 il est nommé au grade de caporal puis le 1 juin sergent.

Il est dirigé en renfort sur la Tunisie le 6 juin 1940 et affecté au 59ème Bataillon de Pionniers mais la défaite éclair de la France l’empêche de rejoindre la métropole pour combattre. Il rentre de Tunisie le 12 juillet 1940 et rejoint son unité en Algérie le 21 août 1940.

Nommé sergent-chef le 16 avril 1943 il embarque à Alger le 14 décembre 1943 et débarque en Corse, à Ajaccio le 17 décembre 1943.

Passant d’épaule de Sergent-chef du 9ème Zouave d’André Bouchard – coll. famille Bouchard.

Il quitte la Corse à Calvi le 10 septembre et met pied à terre sur les plages de Saint-Raphaël le 13 septembre 1944 où commence réellement pour lui sa participation à la libération du territoire national en tant que chef de groupe des éléments d’observation et de reconnaissance du régiment.

Un Groupe du 9ème RZ. La neige est omniprésente et les visages sont fatigués (date et lieu inconnus), hiver 1944-1945 – coll. famille Bouchard.

Le 2 novembre 1944 le Capitaine John R. Bond de L’US Army lui délivre un titre de propriété où l’on peut lire :

« Cette jeep est la propriété du 9ème régiment de zouaves (france) qui n’a pas de marquage français car elle vient d’être reçue à Marseille. Le nom du chauffeur est Bouchard du 9ème Zouaves. » signé John R. Bond, Capt. Ord. Dept Americans.

Titre de propriété de la jeep « Jeannette » du sergent-chef Bouchard – coll. famille Bouchard.

 Les zouaves du 9ème RZ participent dans le département du Doubs vers la frontière suisse à une suite de combats acharnés et enlèvent de haute lutte le village de Roches-les Blamont le 16 novembre 1944, puis la ville d’Hérimoncourt  le 17 novembre 1944.

C’est au cours des combats pour libérer Hérimoncourt que le Capitaine FRIANG trouve une mort glorieuse au champs d’Honneur en étant tué par un éclat d’obus (Mort pour la France). Il est le beau-frère d’Henri Bouchard et sert au 2ème bataillon de ce même régiment. D’après le témoignage du fils d’André Bouchard, sa perte fut un coup très dur porté au moral de son père. De nos jours une rue porte son nom dans la ville d’Hérimoncourt; sa fille Claude Moracchini (1928 – 2021), a longtemps assisté aux commémorations en son Honneur, est à présent enterrée auprès de lui pour l’éternité.

Capitaine Robert Louis FRIANG né le 2 avril 1903 à Alger et Mort pour la France le 17 novembre 1944 – coll. famille Bouchard.

Dans le secteur de Mulhouse de décembre 1944 à janvier 1945, le régiment entre à nouveau en action dans le secteur du col de la Schlucht début février et libère Munster le 5 février 1945.

Une partie du peloton d’André Bouchard qui est lui même à l’extrême droite,  avec sa jeep « JEANNETTE » en arrière plan.

Le 9ème RZ franchit le Rhin le 29 mars 1945 à la hauteur de Karlsruhe. Après les combats pour prendre la ville, le régiment bouscule le dispositif ennemi en Forêt-Noire at après d’âpres combat prend la ville de Baden-Baden puis entre avec les troupes françaises dans Stuttgart. Le 1 mai 1945 il est sur les bords du lac de Constance à Bregenz.

C’est lors d’une reconnaissance au sud de Karlsruhe, qu’André Bouchard est blessé grièvement lors de cette campagne d’Allemagne, le 7 avril 1945, dans le quartier de Aue (commune de Durlach) où avec son copilote et leur officier installé à l’arrière du véhicule, ils furent pris à parti par une arme automatique (mg.34 ou 42). Pour la petite histoire ils n’étaient pas dans leur jeep mais ils avaient « emprunté » une belle décapotable allemande. L’officier installé sur la banquette arrière fut blessé mortellement et le passager avant s’en sortit indemne grâce au sang-froid d’André Bouchard malgré ses blessures.

Pour son action le 7 avril 1945, il est cité par le général de Lattre à l’ordre du Corps d’Armée :

« Sous-officier observateur, conducteur d’une jeep transportant un officier établissant une liaison avec un Bataillon détaché du Corps, a fait preuve d’un sang-froid remarquable, le 7 avril 1945 à Haue, sud de Karlsruhe. Blessé par rafales d’armes automatiques, a eu la présence d’esprit de changer d’itinéraire et le courage d’assurer la conduite de son véhicule. A ainsi sauvé la vie d’un sous-officier qui l’accompagnait ».

Cette citation est accompagnée de l’attribution de la Croix de Guerre 1939-1945 avec étoile de Vermeil.

Blessé grièvement à la jambe (deux fois) avec une atteinte du nerf sciatique (d’après les médecins il n’aurait jamais dû remarcher) il est rapatrié en France après son opération pour effectuer sa convalescence à Vichy. Une fois remis sur pied il profite d’une permission pour aller à Paris avant de rentrer chez lui à Alger.

Il est démobilisé et rayé des contrôles de l’armée le 10 novembre 1946.

Il est titulaire de :

la Médaille Militaire

la Croix de Guerre 1939-1945 avec étoile de Vermeil

la Médaille des blessés

Médailles d’André Bouchard – coll. famille Bouchard.

Après guerre commence une nouvelle vie pour André en tant que technicien (chef de travaux) dans une entreprise de travaux public.

En 1947 il se marie à Alger avec Paule LAJOUS (née en Tunisie).

Paule et André Bouchard en 1947 – coll. famille Bouchard.

Il se rapproche de la métropole suite au rachat en 1950 par son beau-père d’une usine dédiée à l’automobile à Compiègne (60).

La famille s’agrandit avec les naissances de Jean-Marc en 1950 et Didier 1951 en Algérie. André Bouchard crée une société d’import export de pièces automobiles sur toute l’Afrique du nord. Sur la demande de son beau-père ils s’installent finalement à Compiègne en 1960 pour intégrer le directoire de l’usine. C’est dans cette ville que nait son troisième fils Henri en 1962.

Paule, André, Jean-Marc, Didier & Henri Bouchard – coll. famille Bouchard.

Suite à des différents au sein de cette entreprise André Bouchard achète une concession automobile Ford à Soissons (02) à la fin des années 60 et la dirigera jusqu’à sa retraite dans les années 80. Il passe une retraite tranquille sur SOISSONS auprès de sa famille et ses proches (loin du soleil méditerranéen de sa jeunesse).

Après une vie bien remplie et pleine de rebondissements il décède dans sa 90ème année le 10 mars 2009 à Soissons (02). Sa très chère épouse le « rejoint » le 11 mars 2019, 10 ans après lui jour pour jour (ils étaient mariés ensemble pendant 62 ans).

In MEMORIAN – coll. famille Bouchard.

Nous remercions sincèrement son fils Henri pour la confiance accordée et le partage de ses archives familiales.

En complément :

Lors des campagnes de France et d’Allemagne de septembre 1944 à mai 1945 le 9ème RZ compte 230 tués.

Par ce portrait nous rendons hommage à nos libérateurs dont André Bouchard et ses camarades du 9ème Régiment de Zouaves qui ont « payés » un lourd tribut afin que nous puissions jouir pleinement de notre liberté. Nous ne les oublierons pas.

En complément, un document très intéressant conservé par André Bouchard : une note de service  n°87 estampillée « secret » du 9ème Régiment de Zouaves émise le 24 décembre 1944 suite aux agissements du commando SKORZENY pendant la bataille des Ardennes.

Guy GUIONNET 1922 – 2016

Nous remercions Henri Simorre, grand spécialiste du Bataillon de Choc pour les informations et photos mises à disposition pour la rédaction et l’illustration de ce portrait.

Si l’Histoire du bataillon de Choc vous intéresse : https://1erbataillondechoc.forumactif.com/

Henri SIMORRE 1923 – 1946

Henri Simorre en janvier 1946 – collection famille Simorre.

Il est né le 15 juillet 1923 à Arzens dans le département de l’Aude.

Sa dernière carte d’identité civile datée du 26 octobre 1940 nous indique qu’il est étudiant et que c’est un grand gaillard qui mesure 1,83m (à 17 ans).

Henri Simorre en grande tenue du 4ème RCA – collection famille Simorre.

Engagé volontaire au 4ème Régiment de Chasseurs d’Afrique à Tunis en juillet 1941, il est muté au 4ème Escadron à cheval (les 2 premiers escadrons sont motorisés).

Henri Simorre en Tunisie le 10 juin 1942 – collection famille Simorre.

Il combat les Allemands le 19 novembre 1942 à Medjez el Bab en Tunisie ; où il sauve la vie à son chef de groupe, en allant le chercher au péril de sa vie sous le feu ennemi. Après ces combats il se retrouve à Casablanca au Maroc en août 1943 puis Meknès en mars 1944.

Son périple de 1942 à juillet 1944.

Il rejoint en juillet 1944 le Centre d’Organisation Spécial de Staouéli en Algérie où sont formés les commandos de France et les renforts du Bataillon de Choc.

Insignes du Bataillon de Choc de Henri Simorre – collection famille Simorre.

Le sergent Simorre obtient le brevet para US le 30 août 1944 à Staouéli.

Brevet parachutiste US d’Henri Simorre – collection famille Simorre.

Il a effectué ses sauts  entre Sidi-Ferruch et la mer, les avions décollant de Blida.

Il touche enfin le sol métropolitain en Provence le 12 septembre 1944 et il rejoint ses camarades du Bataillon de Choc près de Dijon.

Il est muté dans la 1ère section de la 4ème Compagnie avec laquelle il participe aux âpres combats des Vosges et à la libération de Belfort et obtient la médaille de Belfort décernées par la ville.

collection famille Simorre.

 Il obtient sa première citation à l’ordre de la Division avec Croix de Guerre 1939-1945 et étoile d’argent, à Ettuefont, à 20 kms de Belfort, lorsqu’il se dirige vers l’Alsace :

« Jeune sous-officier qui a rejoint le Bataillon pour participer aux opérations de Belfort les 20 et 21 novembre 1944, au cours desquelles il a pris son groupe en main et fait preuve de beaucoup de cran sous le feu et d’endurance physique. Le 24 novembre 1944, au cimetière d’Etueffont a efficacement appuyé du feu de ses armes, l’attaque par surprise d’un convoi ennemis dans la région du col du Hundsruck, a tenu pendant toute la nuit un poste avancé et conservé le contact avec l’ennemi ».

citation à l’ordre de la Division – collection famille Simorre.
Photo prise lors d’une permission en décembre 1944 – collection famille Simorre.

Lors de la campagne d’Alsace il se distingue à Jebsheim(68) et à Durrenentzen(68) où il est blessé par éclats, d’une roquette de panzerschreck, à la tête, au bras gauche et au mollet le 1er février 1945.

Pour ses faits d’arme il est cité une deuxième fois; à l’ordre de la Brigade avec Croix de guerre 1939-1945 et étoile de Bronze :

« Jeune sous-officier courageux et plein d’allant déjà confirmé lors des précédentes opérations auxquelles il participa avec le Bataillon de Choc, vient de nouveau de prendre une part active à la prise de nuit du village de Durrenentzen(68) le 1er février 1945 âprement défendu par l’ennemi. A été blessé alors qu’il enlevait son groupe à l’assaut d’un pâté de maisons fortement tenu ».

citation à l’ordre de la Brigade – collection famille Simorre.

Il est évacué dans les Vosges sur Saint-Dié où se trouve l’un des hôpitaux de campagne de la 1ère Armée française. Après son opération il est transféré à Montpellier pour sa convalescence.

Le sergent Simorre en avril 1945 à Sigmaringen lors de la campagne d’Allemagne – collection famille Simorre.

Il rejoint le 1er Bataillon de Choc le 12 avril 1945 pour participer à la campagne d’Allemagne où il obtient pour sa bravoure une troisième citation; à l’ordre du Bataillon avec Croix de guerre 1939-1945 et étoile de Bronze, le 15 avril 1945 :

« Chef de groupe audacieux et volontaire. Le 15 avril 1945 à 1 heure au soir s’est porté volontairement à la reconnaissance du village de neuweiller (Wurtemberg). A su par son infiltration audacieuse et intelligente s’approcher à 5 mètres de la sentinelle ennemie placées à la deuxième maison de ce village. A rejoint nos lignes sans se dévoiler à l’ennemi et rapporter le renseignement demandé ».

Citation à l’ordre du Bataillon – collection famille Simorre.

Le 8 mai 1945 il termine victorieusement la guerre avec le 1er Bataillon de Choc en Autriche au sommet de l’Arlberg.

8 mai 1945 dans les Alpes Autrichiennes – famille Simorre.

Après la seconde guerre mondiale les différents Bataillons de Choc sont regroupés et deviennent le 1er Régiment d’Infanterie de Choc Aéroporté (1er R.I.C.A.P.). Le 1er RICAP rentre en France le 2 décembre 1945 au Camp de La Palu à Bordeaux (33) construit par les Allemands au nord de la base sous-marine en 1942.

Henri jouant avec son chien en 1946 – famille Simorre.

Il est muté au 2ème Bataillon de Choc S.A.S. d’Extrême-Orient à Mont-de-Marsan (landes) le 5 Mars1946. Il obtient son brevet Parachutiste français le 27 mars 1946 à Pau.

Henri en mars 1946 à Pau.

Il embarque sur le paquebot « Ville de Strasbourg » pour l’Indochine le 13 mai 1946 et débarque après 1 mois de voyage à Saïgon (Hô chi Minh-ville) le 20 juin 1946. Il est nommé au grade de sergent-chef le 1er juillet 1946.

Le paquebot « Ville de Strasbourg » – source internet.

Le 18 juillet 1946, 3 jours après ses 23 ans, de retour d’opérations, la barge de la marine qui ramène son groupe de combat vers Saïgon, dans le secteur de NHA-BE, chavire….c’est le drame !

2ème BSAS, 3ème Cie, 1er Peloton – 14 juillet 1946, Saïgon – collection famille Simorre.

Avec son adjoint le Sergent Congues, Henri Simorre tente de sauver ses hommes de la noyade mais malheureusement il disparait avec eux (ils sont 6) dans les eaux troubles de la rivière qui serpente à Saïgon.

Seul le corps du Sergent Congues est retrouvé plusieurs jours après et est identifié grâce à son briquet aux armes de la ville de Pau qu’il avait toujours sur lui.

Tombe du sergent Congues à Saïgon en 1946 – collection famille Simorre.

Ainsi disparaît accidentellement le Sergent-Chef Henri SIMORRE en voulant sauver ses hommes…il venait d’avoir 23 ans.

Par décret du 17 janvier 1947 il est décoré, à titre posthume de la Médaille Militaire et de la Croix de Guerre des Théâtres d’Opérations Extérieurs avec Palme :

« Sous-officier d’élite dont le courage et l’allant lui valent 3 citations élogieuses au cours des campagnes de France et d’Allemagne. Dès son arrivée en Indochine il attire l’attention sur lui par son mordant, son calme, son entrain. Le 2 juillet 1946 à APp-Nhay il entraine son groupe à l’assaut d’une résistance rebelle, abat le chef de groupe adverse au moment où ce dernier ouvrait le feu et fait 5 prisonniers. Le 3 juillet 1946 dans la région de Phu-an-Thon il met en fuite un groupe ennemi et s’empare d’un dépôt de munitions. Le 18 juillet 1946 au retour d’une opération dans le secteur de Nha-Be où il s’était à nouveau distingué, l’embarcation qui portait son groupe ayant chaviré au cours de la remontée de la rivière de Saigon, il se porte au secours d’un de ses hommes en péril, le soutient jusqu’à la limite de ses forces et disparaît avec lui. Héritier des plus belles traditions du soldat français, entraîneur d’hommes hors de pair admiré par ses hommes, estimé par ses chefs, aimé de tous, restera au Bataillon un vivant exemple de droiture et de dévouement poussé jusqu’au sacrifice ».

Médaille Militaire à titre posthume du sergent-chef Simorre – collection famille Simorre.

Nous le remercions sincèrement pour son engagement au service de la France et avons une pensée émue pour nos anciens combattant qui nous ont libéré du joug nazi.

Décorations :

Médaille Militaire à titre posthume,

Croix de guerre 1939-1945 avec 3 citations,

Croix de Guerre des Théâtres d’opérations extérieurs (T.O.E) avec Palme

Médaille des blessés,

Médaille Coloniale avec agrafe TUNISIE 1942/1943,

Médaille commémorative 1939-1945 avec agrafes « Engagé Volontaire – Afrique – Libération – Allemagne » à titre posthume.

Médaille commémorative Indochine à titre posthume.

Nous remercions sincèrement son neveu prénommé Henri également(en son hommage), grand Ami du Musée Mémorial et fin connaisseur du Bataillon de Choc, pour le partage de son histoire familial et de ses archives personnelles.

pour en savoir plus sur le Bataillon de Choc : https://1erbataillondechoc.forumactif.com/

Joseph Emile BRISBOIS 1916 – 2007

Joseph est né le 21 mars 1916 à Zinswiller (67), il fait son apprentissage de mécanicien autos dans un garage à Niederbronn-les-Bains puis il rejoint les Etablissements De Dietrich à Reichshoffen (division autorails).

Sa sœur Marie-Thérèse vie à Zinswiller avec sa maman (44ans) qui est veuve depuis 1933.

Marie-Thérèse et sa maman Maria BRISBOIS née Zeis

Ses frères : Hubert et Gilbert ont appris le métier d’électricien, Victor celui de jardinier, Lucien fait des études de théologie et François qui est marié s’occupe de l’exploitation agricole de ses beaux-parents. Ils n’avaient malheureusement pas de loisirs ou le temps de s’adonner à une quelconque passion car ils devaient travailler dur pour aider leur maman qui avaient 2 vaches et d’autres animaux de basse-cour pour subvenir à leurs besoins. Comme la maman n’avait aucun revenu, tous les enfants ont contribué à financer les études de leur frère Lucien. Ils étaient tous heureux de recevoir parfois un petit pourboire qu’ils remettaient à leur maman pour l’aider financièrement.

Les parents (François et Maria) avec 4 de leurs enfants dont Marie-Thérèse à droite devant leur maison à Zinswiller. L’homme à gauche du groupe ne fait pas partie de la famille Brisbois.

L’histoire de cette famille alsacienne dans la tourmente de l’annexion nazie est maintenant racontée par Joseph BRISBOIS lui-même :

‘’Après avoir effectué mon service national dans la Marine française à Toulon du 1 septembre 1937 au 9 septembre 1940, je décide de retourner en Alsace bien que celle-ci est déjà sous le joug nazi (depuis juin 1940). Après quelques altercations avec la gestapo venue me questionner sur les activités de certains membres de ma famille, je décide de me rendre en zone libre, rejoindre deux de mes frères partis en décembre 1941 : Hubert rentré dans la résistance dans les Landes et Lucien, séminariste qui a rejoint ses camarades de l’université de Strasbourg, à Clermont-Ferrand où elle a été transférée.

Obligé de changer de nom de famille, le mien (BRISBOIS) ayant une consonnance française, j’emprunte le nom de jeune fille de ma mère qui est ZEIS.

NB : la maman Maria née ZEIS en 1889 à Mouterhouse en Moselle doit présenter un dossier de changement de nom pour elle-même et ses 7 enfants le 30 mai 1941 et propose le nom de sa mère. Elle est veuve de François BRISBOIS décédé en 1933. Trois des sept enfants (Hubert, Lucien et Joseph) sont absents. Le 8 janvier 1942 le maire Hieronimus de la commune de Zinswiller indique au Landkommissar de Haguenau que Hubert BRISBOIS est parti pour une destination inconnue. Le 16 janvier un rapport de gendarmerie indique après audition de Maria ZEIS que Hubert, électricien chez De Dietrich à Reichshoffen est absent depuis le 20 novembre 1941 et n’est pas rentré du travail. Lucien scolarisé dans les années 1930 au collège Saint-Etienne à Strasbourg, excellent élève, a disparu à la même date. Un troisième, Joseph, serrurier chez De Dietrich est parti le 13 janvier 1942. Au cours de son interrogatoire, Maria montre une lettre qu’elle a reçue le 3 décembre 1941 ; le gendarme constate que le timbre est allemand et le cachet postal indique Metz et qu’il est écrit par Lucien : « Nous sommes bien arrivés et pris en charge ». Le gendarme émet l’hypothèse que les deux premiers disparus sont quelque part en France non occupée, que Mme Zeis sait très bien où ils sont mais ne veut pas le dire et que les jeunes hommes ont mis un stratagème en place pour expédier la lettre.

Je quitte l’Alsace le 11 janvier 1942 en prenant le train à Gundershoffen (67) en compagnie de trois de mes camarades. J’emmène avec moi, dans la poche de mon manteau, 3 lettres qui me sont confiées et que je dois poster en zone libre. Nous nous rendons à Avricourt en Moselle où nous passons la nuit dans un wagon à bestiaux pour ensuite poursuivre notre route dans ce même wagon jusqu’à Lunéville, puis Nancy où je me fais arrêter par une patrouille de la Gestapo. Enfermé dans un local, je réussi à échapper à la surveillance du gardien et je me rends boulevard Poincaré où je pense trouver l’aide d’une filière d’évasion mais hélas celle-ci est déjà démantelée par les nazis.

Je prends alors le bus en direction de Pont-à-Mousson où je passe la nuit chez un garagiste qui me donne l’adresse d’un passeur à Mouchard dans le Jura. Malheureusement il n’y a plus personne à cette adresse quand j’arrive. Je passe la nuit dans une mansarde non chauffée de l’hôtel « Bon secours » et je repars le lendemain pour Poligny où se trouve la ligne de démarcation. Je suis une nouvelle fois arrêté par la Gestapo à Arbois, sur le pont qui enjambe la Loue (rivière). L’individu très physionomiste me dit en allemand « Deine blaue Augen haben dich veraten » ce qui veut dire « tes yeux bleus t’ont trahi ». Il me conduit au poste frontière où l’on me prend tout d’abord pour un espion car j’ai sur moi 2 cartes d’identité (1 française au nom de BRISBOIS et une allemande au nom de ZEIS). Je leur explique que je suis alsacien…nous sommes le 16 janvier 1942.

Parcours de Joseph Brisbois du 11 janvier 1942 à début mars 1942.

Je suis emmené à la prison d’Arbois, fouillé, dépossédé de mes effets personnels et enfermé dans une cellule où je retrouve mes 2 compagnons de route arrêtés la veille. Quelques jours plus tard je suis interrogé par la Gestapo. Au moment où ils ouvrent mon dossier il y a une « sondermeldung » (information spéciale) à la radio… « Singapour est tombé aux mains des japonais » …mes interrogateurs quittent précipitamment la pièce pour l’écouter et j’en profite pour récupérer mes lettres qui s’y trouvent pour les jeter dans la cheminée qui crépite. C’est pour moi une chance inouïe et sûrement mon salut. Par la suite je suis transféré à la prison centrale de Dôle puis celle de Mulhouse (68).

Le 6 mars 1942 je suis conduit dans un fourgon cellulaire au Sicherungslager Vorbruck-Schirmeck (Le camp de sûreté de Vorbruck-Schirmeck est un camp de redressement nazi situé dans la commune de Schirmeck en Alsace annexée qui fonctionne de 1940 à 1944 où 15 000 hommes et femmes, alsaciens et mosellans, seront détenus. Dès 1940, le camp de sûreté a pour objet de terroriser et réprimer afin de rééduquer les réfractaires jugés hostiles à l’Allemagne, opposés au national-socialisme. Il est un lieu de transit avant l’expulsion, la transplantation, l’incorporation de force le transfert vers des prisons ou camps de concentration).

 Le 24 août 1942 je quitte le camp de Schirmeck et je suis transféré au camp de travail de Schorndorf en Allemagne. Le 1 septembre 1942 je suis incorporé de force dans la marine allemande à Kiel sur la Baltique puis à List sur l’ile de Silt en mer du nord. Je garde secrètement mes connaissances acquises dans le centre d’études de la marine française (entres autres l’utilisation des radars) lors de mon service national.

Parcours de Joseph Brisbois du 6 mars 1943 à septembre 1943.

Grâce à la bienveillance d’un commandant allemand anti-nazi, je bénéficie d’une permission exceptionnelle qui me permet de rentrer chez moi en Alsace pendant 20 jours. En rentrant je ne retrouve que ma maman, ma sœur et mon frère aîné François (il échappe à l’incorporation de force car né en 1907 – la classe 1908 étant la plus ancienne à être appelée) qui est marié et habite dans le village. Mes 2 frères, Victor et Gilbert sont comme moi incorporés de force dans l’armée allemande. Ma permission écoulée je retourne à contre cœur dans la marine allemande sur l’ile de Silt d’où je suis muté dans le service « auto-école » près de Hambourg. C’est dans cette ville que je subis mes premiers bombardements alliés.

Pièce d’identité allemande de Josef Emil (BRISBOIS) ZEIS.

 Le 6 juin 1944, jour du débarquement de Normandie, tous les conducteurs de véhicules sont affectés au front de l’Est. Etant alsacien, les allemands craignant une désertion de ma part, ils m’envoient à Riga en Lettonie comme mécanicien d’entretien. C’est là que j’ai eu la visite inattendue de mon frère Victor revenu de permission et qui doit rejoindre le front russe. Je ne le sais pas encore mais c’est la dernière fois que je le vois avant qu’il soit porté disparu par son unité le 11 août 1944 près de Trentelberg (aujourd’hui GOSTINI) en Lettonie…

Victor BRISBOIS, incorporé de Force comme son frère et porté disparu le 11 août 1945 déclaré Mort pour la France en 1957.

NB : le 30/10/1944 Maria Zeis reçoit un courrier d’un certain Schleiffer( ?) qui lui explique ce qu’il sait au sujet de la disparition de son fils Victor : « Le 11.08.1944 nous occupions 1 poste de combat le long d’un affluent de la Düna (Dvina occidentale ou Daugava aujourd’hui) en Lettonie. Vers 7 :00 du matin les russes démarrèrent un puissant tir d’artillerie du tonnerre de Dieu sur nous et traversèrent le fleuve que nous étions incapable d’empêcher. Victor était couché avec un autre groupe à gauche de ma position. A cet endroit les russes attaquèrent et se rapprochèrent de nous sans que nous les avions détectés et ils nous arrosèrent de grenades à main. Nous abandonnions cette position et reculions de 100m dans une autre position et ce fut ainsi continuellement tout au long de la journée. Le soir lorsque la compagnie fut rassemblée nous avons constaté que votre fils manquait à l’appel avec tout son groupe. Aucun hôpital n’a signalé son hospitalisation, il n’y a pas de doute qu’il soit en captivité. S’il avait été rapatrié il aurait dû passer devant moi. Avant que les tirs commencent je l’ai encore aperçu mais plus après. Je me souviens que le 11.08.1944, 9 blessés graves étaient restés sur le terrain mais Victor n’y était pas sinon je l’aurai vu. Chère Mme Zeis ne vous laissez pas décourager et gardez bon espoir ».

Secteur de Trentelberg en Lettonie (aujourd’hui Gostini) ou disparu Victor BRISBOIS en août 1944. Il est toujours porté disparu à ce jour.

 Le 11 octobre 1944, suite à l’avancée de l’armée russe, ma compagnie (nous ne sommes plus que 6 hommes) se retire en Lituanie. Après moult péripéties, de Gdansk(Pologne) à Rostock (Allemagne du Nord), ne faisant plus partie d’aucune unité lors de la débâcle allemande, j’arrive le 6 mai 1945 à Neustadt près de Lübeck où je me présente aux troupes anglaises.

 Le 7 mai 1945 en tant que volontaire j’aide à enterrer les morts du tragique bombardement du paquebot allemand « Cap Arcona » par la Royal Air Force (RAF) où ne se trouvait que des déportés de différents camps de concentration que les nazis voulaient faire disparaitre en coulant le navire au large.

Le parcours du retour à Zinswiller de Joseph Brisbois de juin 1944 au 9 juin 1945.

 Je reviens en France à Hazebrouck dans le nord de la France avec un convoi anglais et je retrouve enfin mon village natal de Zinswiller, ma mère, ma sœur Marie-Thérèse et mon frère François (1907 – 1978) le 9 juin 1945.

Lucien BRISBOIS, séminariste à Clermont-Ferrand.

Mon frère Lucien (né en 1922), séminariste, engagé dans la Brigade indépendante Alsace-Lorraine commandée par colonel Berger alias André Malraux (il est au 3ème Bataillon « Metz » – dans la compagnie Kléber) a été mortellement blessé à la tête par une balle explosive à Courtelevant (territoire de Belfort) le 22 novembre 1944 et il décède à l’hôpital Saint-Morand d’Altkirch(68).

Tombe de Lucien BRISBOIS inhumé provisoirement au cimetière d’Altkirch en novembre 1944.

Il est provisoirement inhumé au cimetière d’Altkirch selon un document daté du 14 décembre 1944. Après-guerre ma famille récupère son corps pour être enterré au cimetière communal de Zinswiller (67).

Mon frère Hubert (1917-1956) également engagé dans la première Armée française a eu plus de chance et va survivre aux terribles combats pour libérer sa chère patrie.

 Gilbert (1925 – 1973), incorporé de Force comme moi et Victor (1919-1944), il rentre à la maison en uniforme « feldgrau » après le 8 mai 1945 ; il est blessé au bras mais vivant contrairement à Victor et plus de 30 000 alsaciens et Mosellans qui n’auront malheureusement pas cette chance.

 Pour terminer son récit, une dernière phrase écrite par Joseph BRIBOIS qui est malheureusement toujours d’actualité :

 « Je souhaite de tout cœur que nos souffrances et notre détermination n’aient pas été vaines et je recommande à nos jeunes de rester vigilants face à certaines idéologies montantes ».

Joseph BRISBOIS est décédé le 2 décembre 2007 à Dauendorf (67).

 Nous remercions très sincèrement Monsieur & Mme Geneviève et Bernard LEDIG ainsi que Madame Spiess Marie-Louise pour le partage de leur histoire familiale et leur participation afin que nous puissions transmettre aux générations actuelles et futures notre Histoire Régionale si particulière pour ne pas l’oublier…ne pas oublier toutes nos victimes civiles et militaires et leur rendre l’hommage qu’ils méritent.

 ANNEXE : lettre du 22.10-1944 du Chasseur Lucien BRISBOIS, séminariste :

 « Cher oncle, chère tante,

 Après la soutane, provisoirement déposée, j’ai endossé l’uniforme kaki pour aider autant que je puis, pour la délivrance de nos deux provinces. Je suis enrôlé volontaire pour la Brigade Alsace-lorraine dont vous avez déjà entendu parler. Nous faisons partie, quoi qu’étant plus ou moins à part, de la 1ère Armée française du Général de Lattre de Tassigny. Uniquement composée d’éléments alsaciens lorrains, nous formons une unité très forte qui étonne ceux qui ont douté de notre pays. Nous sommes presque 5000 alsaciens lorrains. Tout ce qu’il y a hors d’Alsace et Lorraine est venu chez nous. Mais si notre gloire est déjà faite puisque notre Brigade a été cité à l’ordre de l’Armée, il faut avouer que nous ne l’avons pas volée. Personnellement engagé deux fois dans le secteur des Vosges, j’ai pu constater la dureté des combats. J’ai été blessé légèrement mais tout est fini. Si je suis ici ce n’est pas uniquement pour faire mon devoir de bon Français mais aussi pour faire mon devoir de séminariste. Je ne puis admettre qu’une soutane reste à l’arrière d’un mouvement si noble et généreux et j’ai cru mon devoir de montrer que nous, prêtres, prenions part à cette lutte et que nous l’appuyons. Et puis pour préserver notre Alsace de pillage et du meurtre il faut quelqu’un qui tempère les haines aveugles et des mouvements trop brusques. Justice pour les traîtres, mais surtout charité.

J’ai reçu des nouvelles de chez moi du mois de juin. Tous sont en vie. Le beau-père de François est mort. 13 de mes amis sont tombés dont 1 fils de Herda, 1 fils de Fichter de Daentzer, de Davron etc…Les boches sont terribles mais on les aura. Une fois en Alsace nous ferons la police et nous serons dissous pour occuper les postes administratifs. Nous ne faisons pas d’autonomisme mais nous voulons prendre part, comme les maquis des autres régions à la libération de nos provinces. Le 11 novembre nous entrerons à Strasbourg et Metz avec le Général Giraud. Nous serons les premières troupes en Alsace. Vous embrasse tendrement, Lucien. »

Tombe de Lucien BRISBOIS au cimetière communal de Zinswiller (67).

ANNEXE : Fiche  de Victor BRISBOIS « Mort pour la France » – source capm de Caen.  

En complément d’information :

 Brigade indépendante Alsace-Lorraine (free.fr)

 Camp de sûreté de Vorbruck-Schirmeck — Wikipédia (wikipedia.org)

Lieutenant Jacques de BOUVET 1919 – 1945

Lt Jacques de Bouvet – Archives famille de Bouvet.

Fils de Michel de Bouvet et de Catherine de Tricornot, Jacques est né le 5 décembre 1919 à Vincennes (94).

Archives famille de Bouvet.

Sa famille est originaire de Lorraine et s’installe plus tard dans la Marne à Vitry-le-François.

Il est le troisième enfant d’une fratrie de 6 : Christine de VESVROTTE, François, Jacques, Bernard, Claude, et Marie de LAMBILLY).

Les Bouvet à Font-Romeu en décembre 1937. De gauche à droite : Claude (1924-2017), Jacques (1919-1945), Christine (de Vesvrotte 1911-1999), Bernard (1921-1945), François (1914-2001), il manque Marie (de Lambilly 1927-1986). Archives famille de Bouvet.

Son père St Cyrien (promotion Premières Grandes Manoeuvres 1896-1898) est officier de cavalerie et combat en 1914 à la tête de son escadron de Cuirassiers. Il termine la première  guerre dans les tranchées.

Le père de jacques de Bouvet avec une de ses soeurs – archives famille de Bouvet.

Après la guerre il quitte l’armée, retourne à la vie civile et transmet cette vocation militaire, qui va naître très jeune chez Jacques, comme pour son frère Claude (promotion Rome-Strasbourg 1944).

Jacques avec son chien. Archives famille de Bouvet.

Après une année d’école préparatoire au collège Ste Geneviève de Versailles il entre à l’âge de  19 ans, en Septembre 1939, à St Cyr dans la promotion « Amitié Franco-Britannique »…il est la neuvième génération d’officiers sans interruption dans sa famille.

Jacques de Bouvet n°3 – Archives famille de Bouvet.

Classé 109ème sur 700 lors du concours d’entrée il choisit comme arme la cavalerie. La guerre est proche il ne reste que 3 jours à l’Ecole Spéciale Militaire de St Cyr et rejoint l’Ecole de Cavalerie de Saumur au plus vite pour devenir chef de peloton monté de cavalerie.

Archives famille de Bouvet.

Surnommé « Ladubay » du nom du vin de Saumur de la maison Bouvet-Ladubay, il laisse à ses camarades de promotion un excellent souvenir ; garçon gai et jovial bien que réservé.

En mars 1940 il est envoyé à Rambouillet dans un escadron monté mais ne sera pas engagé dans les combats de 1940 suite à l’armistice du 22 juin 1940.

Jacques, premier à gauche en train de défilé à Tarbes au printemps 1942 – archives famille de Bouvet.

Il est alors affecté au 1er Régiment de Chasseurs à Vienne (entre août 40 et mars 41) d’où on l’envoie effectuer un stage de perfectionnement. A l’issue de ce stage (de mars à août 1941) il rejoint l’Ecole de Cavalerie repliée à Tarbes (de septembre 1941 à août 1942) d’où il en sort Lieutenant et est affecté au 3ème Hussards à Montauban.

Archives famille de Bouvet.

Suite à l’invasion des troupes allemandes de la « zone libre » le régiment est désarmé le 29 novembre 1942 et il est démobilisé puis renvoyé dans ses foyers comme l’ensemble de ses camarades.

Parcours de Jacques de Bouvet de 1937 à 1942.

Après l’humiliation de la défaite de juin 1940 sans avoir pu combattre et la démobilisation, Jacques de Bouvet décide avec des officiers de son régiment de rejoindre l’Afrique du Nord. Le lendemain de Noël 1942 il quitte Montauban, passe par Tarbes et Pouzac (pour saluer des cousins). Après quelques péripéties avec leur passeur, il franchit le 30 décembre le col de la Madeleine, par une terrible tempête de neige et une descente épique dans le brouillard pour arriver en Espagne à Isaba.

Comme il l’écrit dans son journal personnel le 31 décembre 1942 : « Il part avec ses compagnons d’échappés pour la prison « modèle » de Pampelune, puis après 48 heures pour le camp de Miranda d’où il pense qu’ils seront libérés et 15 jours après … Double enceinte gardée par des sentinelles affublées de couvertures, quadruple grille, rotonde vitrée commandant quatre ailes en croix, gardiens bourrus et qui semblent nous prendre au sérieux. Nous nous amusons follement. »

Malheureusement ce ne sera pas le cas, et il va devoir s’adapter aux conditions difficiles de détention de la prison de Pampelune  plus longtemps que prévu : sous alimentation, surpopulation, poux, maladie, promiscuité…. qui seront légèrement atténuées par une solidarité et une entre-aide à toute épreuve avec ses compagnons d’infortunes.

Parmi les nouveaux arrivants, il voit arriver le Colonel SCHLESSER qui commandait le 2éme DRAGONS et futur commandant du Combat Command 4 de la 5ème Division blindée  avec lequel il entrera en premier dans Colmar le 2 février 1945.

Le 3 février 1943 en tant qu’officier il est transféré en résidence surveillée à Lecumberry, où les conditions de vie sont meilleures jusqu’au 20 avril 1943, date à laquelle il est transféré par le train à Pampelune…pour arriver le 21 avril au tristement célèbre camp d’internement de Miranda qu’il décrit ainsi : « Arrivé à Miranda vers 15 heures; le camp est contre la voie ferrée : une série de baraques blanches longues, couvertes de tuiles – une grande place avec un mat à bandera – autour des barbelés, avec tous les 50 mètres une guérite et une sentinelle. Attente interminable au bureau, prés d’une piscine…sans eau. De l’intérieur les autres nous crient de nous déclarer évadés civils ou militaires (cela avance la libération). Un train démarre avec 600 libérés belges qui agitent leurs mouchoirs. A quand notre tour ? A l’intérieur on nous octroie généreusement une couverture crasseuse, une enveloppe de paillasse, une gamelle et une cuillère; avec ça dém…vous ».

Le 15 mai 1943 il figure sur la liste des futurs libérés…mais rien ne se passe.

Le 9 juin Jacques écrit : « A midi la liste parait; on vient m’avertir que mon nom est dessus, complet et sans faute d’orthographe, ce qui a beaucoup d’importance. Formalités diverses, échange de paillasse et couvertures avec les autres détenus, restitution du reliquat aux « conios »( surnom que donnaient les détenus à leurs gardes.). Je prends congé de mes camarades et d’autres, connus depuis bientôt six mois. C’est vraiment triste de quitter des camarades des bons et mauvais jours et d’ailleurs on ne peut croire que ce soit le vrai départ. »

En Espagne du 26 décembre 1942 au 17 juin 1943.

Le 10 juin il arrive à Madrid puis voyage à travers l’Espagne ; Tolède, Cordoue et arrivé à Gibraltar où il embarque le 17 juin sur le « djebel Aurès » pour débarquer le 18 juin 1943 à Casablanca.

Le « djebel Aurès » – source internet.

Le 20 août 1943 il rejoint au  6ème Régiment de Chasseurs d’Afrique ( 6ème R.C.A.) et prend le commandement du 3ème peloton du 2ème Escadron du 6ème R.C.A.

Insigne du 6ème Régiment de Chasseurs d’Afrique (6ème RCA).

Dans le cadre du réarmement de l’Armée D’Afrique, future 1ère Armée Française, c’est seulement le 12 septembre que le Régiment perçoit ses premiers chars Sherman…la formation va pouvoir enfin débuter.

Pour Jacques de Bouvet il va falloir mettre les bouchées doubles pour passer de la cavalerie à Cheval avec quelques automitrailleuses à la dernière  technologique Américaine et de longs mois d’entraînements pour aguerrir les équipages pour assimiler la nouvelle doctrine d’emploi et manier au mieux ces nouveaux engins.

Du 29 novembre 1943 au 6 septembre 1944 c’est la montée en puissance du 6ème R.C.A. et de ses hommes avec une instruction poussée, des entrainements et des manœuvres intensifs  afin d’en faire une unité aguerrie prête à se battre pour libérer le territoire national.

Le 18 mars 1944 l’unité passe la « revue Kingman » qui est  le test ultime réalisé en situation réelle par le commandement américain afin d’évaluer et valider  la capacité opérationnelle des unités avant d’être engagées au combat.

Le 30 mars visite du Général de LATTRE de TASSIGNY  et le 13 avril 1944 celle du Général De Gaulle.

Le 13 septembre Jacques et son régiment sont alertés et se préparent à embarquer pour rejoindre les plages du sud de la France.

Le vendredi 15 septembre son convoi se forme dans la rade d’Oran avec  24 LST, 14 Liberty ship et 3 chasseurs d’escorte. La traversée s’effectue le 21 et vers 11h les côtes françaises sont en vue. En raison de la météo ils ne débarquent que le lendemain matin dans la baie de St Raphaël. Jacques touche le sol métropolitain à Boulouris vers midi trente et écrit « c’était tout drôle de fouler à nouveau le sol de France ».

Parcours du 22/09/1944 au 14/10/1944.

Il passe par St-tropez, St-maxime, Toulon, Marseille. A Miramas les blindés sont chargés sur un convoi ferroviaire et le personnel dans des wagons. Le 14 octobre le convoi passe par Montélimar, Valence, Vienne pour arriver à Lyon Perrache puis Paray-le-Monial, Autun, Beaune, Dijon et Besançon terminus du voyage en train. La montée au front est proche.

La remontée vers les Vosges et l’Alsace.

Le 28 octobre près de Vesoul son frère Claude part en ligne avec le 7e Chasseurs prés de Remiremont avant que Jacques puisse le voir et son frère Bernard passe à Poncets allant du Valdahon à Farincourt (Farincourt est la propriété de son oncle TRICORNOT (frère de sa mère) où il a pu revoir la veille sa mère, ses soeurs Christine et Marie venues voir Jacques et Bernard qui eux se sont croisés. Triste « ironie » de la guerre, leurs unités se sont battues à coté et ils ne se sont jamais revus malgré plusieurs tentatives. Pour le Lieutenant Jacques de Bouvet le baptême du feu à lieu début novembre à Vagney avec son peloton, il est à bord du Char n°31 « Bourgogne ».

Char Sherman M4A2 n°31 « Bourgogne » du 2ème Escadron du 6ème RCA. Collection A. Misner – https://www.chars-francais.net.

Ils combattent dans le secteur de Remiremont, Ronchamp pendant la campagne des Vosges.

Le 11 novembre 1944 son frère Claude, reçu à l’Ecole Spéciale Militaire (E.S.M.) de St-Cyr quitte le 7e Chasseurs pour être dirigé vers Cherchell en Algérie où est replié l’E.S.M.…Jacques écrit « une fois de plus je l’ai manqué »…il ne le reverra plus.

Il obtient une première citation à l’ordre du Corps d’Armée avec attribution de la Croix de Guerre 1939-1945 avec étoile de Vermeil, suite à son action lors des combats du 17 novembre en Haute-Saône(70) et  21 novembre à Belfort (90) de novembre 1944.

Dans son journal nous pouvons lire à ce sujet : « A peine entrés dans Champey vers 4h 45 nous sommes accueillis à coup d’antichars et de panzezfaust. Les civils nous disent qu’il y a un canon vers le cimetière à gauche et un autre vers l’église. Presque aussitôt le char de tête 32 prend feu, les F.F.I se replient vers mon char laissant seul le 33. MARSAUCHE et moi les ramenons à pied. PERMINGEAT me crie de son char qu’il y a des Allemands partout dans les maisons, les F.F.I commencent à les fouiller mais le 33 est atteint à son tour et s’enveloppe de fumée sous mes yeux. L’équipage l’évacue. Je reviens en arrière et fais exécuter par les chars un tir sur le cimetière, la visibilité est très mauvaise, la nuit tombe. Les tirailleurs commencent seulement à arriver et sont abasourdis par notre tir, me dit le Cdt DAILLET qui ne se presse toujours pas d’intervenir. Le capitaine arrive à son tour avec EBLE dont le char a flambé sous les coups de P.A.K, comme probablement aussi son premier groupe. Les tirailleurs commencent le nettoyage vers 6h et font quelques prisonniers; le reste des Allemands se replie avec leurs canons P.A.K.

La nuit se passe sans incident. Le lendemain matin je peux dresser le bilan : les 2 chars ont été atteints par des panzerfaust, mais le 33 n’a pas flambé, car il a été touché à l’avant sur la rotule, le 32 au contraire à la base de la tourelle à gauche.

Son Baptême du feu, novembre 1944.

Sa Citation à l’ordre du Corps d’Armée avec attribution de la Croix de Guerre 1939-1945 avec étoile de vermeil :

« Chef de peloton intrépide et plein d’allant. Au cours du combat de rues dans Champey(70), le 17 novembre 1944, au soir, a, par son initiative et son mépris du danger, évité des pertes supplémentaires aux équipages de deux de ses chars touchés par canons antichars et par « panzerfaust » et pris sous le feu d’armes automatiques ennemies. Le 21 novembre 1944, au matin, après avoir participé la veille à la prise de Belfort(90), a été reconnaître à pied, en avant de son peloton, les défenses ennemies vers Danjoutin(90). A été blessé de deux balles au cours de cette reconnaissance. « 

Citation à l’ordre du Corps d’Armée avec attribution de la Croix de Guerre 1939-1945 avec étoile de vermeil – archives famille de Bouvet.

Le Général GUILLOT, jeune officier comme lui en 1944-45 et chef de peloton au 11ème RCA, écrit après-guerre à ce sujet  « …C’est ainsi que nous avons ensemble participé au combat très dur de Champey le 17 novembre, et je puis confirmer entièrement les faits, où il a montré un si grand courage.

Je l’avais, bien que pris moi-même dans cette tourmente de feux, de chars et de panzerfaust, remarqué. »  et « … si je ne l’avais pas vu, de mes yeux, en direct, si magnifiquement courageux au combat. Ca m’avait fortement frappé, et ça reste en moi..

Il se trouve toujours à l’avant garde et participe à la libération de Belfort ville dans laquelle le 6° RCA rentre en premier et s’illustre tout particulièrement.

Le 20 novembre 1944 il a pour mission : avec une compagnie du Bataillon de choc sur ses chars et une compagnie d’armes lourdes en Jeep, de pénétrer dans Belfort par la route de Cravanche, de nettoyer le quartier nord de la ville et empêcher la destruction des ponts…L’objectif est atteint ! Accueil inoubliable de la population : « les gens sortent en foule en hurlant de joie aussitôt après le passage des premiers chars; ils ont des bouteilles, des fruits, des gâteaux et nous forcent à en accepter. Les petits enfants sont amenés pour embrasser des soldats, les jeunes filles se précipitent… « On ne vous espérait plus » ».

Le 21 novembre le LT de Bouvet décide de partir en patrouille, il nous raconte : A 7 h 30 nous décidons, MARSAUCHE et moi de faire une patrouille du côté de la gare et de la route de Montbéliard. Ni Allemands, ni Français encore.

Parcours dans Belfort 20 et 21 novembre 1944.

Le barrage de rail vers Danjoutin est contourné, mais la route semble minée, aussi nous continuons à pied avec MOREL, MASSON et ROULIER, le long de la voie ferrée. Il y a des Allemands partout; dans les Basses Perches, à Bavillier, à Danjoutin; ils nous tirent dessus, je suis blessé à la main; nous nous replions et ramenons les chars en arrière. J’apporte les renseignements au Cdt de VIEVILLE (qui commande le 6ème R.C.A.), le peloton est ramené par MARSAUCHE, STUDLE démolit entre temps un canon Flak sur le fort. Le capitaine ETCHECOPAR accepte de ne pas me faire évacuer : je n’ai que l’index cassé et une balle en séton dans la main. A sa sœur Christine, infirmière, il écrit à ce sujet : « … J’espère venir bientôt en permission et pouvoir me confier à tes soins éclairés; j’apporterai les radios. Les médecins sont bien mais guère plus savants que du temps de Molière : il y en a un qui voulait me couper le doigt, disant qu’il me gênerait; l’autre me disait de le laisser s’ankyloser à la position repliée; le troisième enfin m’a enjoint de le faire travailler. Comme il passe pour un crack c’est à celui-là que j’obéis. Heureusement qu’il ne s’agit que d’un doigt….. »

Le Général GUILLOT se rappelle : « Ses hommes l’adoraient et l’admiraient pour son calme imperturbable sous le feu. Je le revois aussi à Belfort, le 21 novembre, faisant à pied et en char des opérations de nettoyage très sportives mais fort aventurées. Puis, lorsqu’il eut reçu deux balles à la main, donnant au colonel des renseignements avec un calme et une précision parfaite, sans s’occuper de sa blessure qui n’était même pas pansée. Evacué de force à l’hôpital pour se faire opérer, on l’endort et on le ramène sur son lit où il délirait encore endormi. C’est ainsi que nous l’avons eu pendant un mois à l’E.M. du régiment, car le colonel ne voulait absolument pas qu’il remonte en char avant sa guérison et parce qu’il aurait sûrement désobéi à la première opération si on ne l’avait pas enlevé à son escadron ».

Puis c’est l’avancée vers l’Alsace  et d’âpres combats :  Rougemont, Mortzwiller, Soppe-le-Haut, Guewenheim, Aspach…Jacques suite à sa blessure se contente de son poste à l’Etat-Major du Régiment en attendant son rétablissement.

Il retrouve son frère Bernard (2ème Bataillon de Choc) à Masevaux le 25 novembre lors de la libération de la ville.

Bernard de Bouvet (1921-1945). archives famille de Bouvet.

Avec le Combat Command 6 (C.C.6) de la 5ème Division Blindée (5ème DB) il est engagé fin janvier 1945 à Jebsheim, la clé de voûte de la défense allemande de Colmar et de l’accès au Rhin. Le CC6 a pour mission de foncer sur Jebsheim(68) puis Durrenentzen(68) et est pour cela divisé en 3 sous-groupements :

Le S/Gpt R du Chef d’Escadrons de REMOND du CHELAS

Le S/Gpt B du Chef d’Escadrons BOULANGER du 2ème Escadron dont fait partie le Lt de BOUVET.

Le S/Gpt V du Chef d’Escadrons de VIEVILLE

Le CC6 réussit à franchir l’Ill à Maison Rouge et après d’âpres combats s’empare du moulin de Jebsheim, point stratégique permettant d’accéder au village.

Les combats pour la prise du village vont être dantesques et vont durer du 25 janvier au 31 janvier 1945, nuit et jour sans interruption, sous un déluge permanent d’artillerie, qui feront plus 200 tués et 2000 blessés côté français et américains (500 tués pour les allemands). Le 27 janvier 1945 le sous-groupement B (2ème Escadron du 6ème RCA) se porte dans Jebsheim qu’il atteint à midi. Le détachement du Lieutenant de BOUVET doit pousser avec 3 chars Sherman, un Tank .Destroyer M10. du 11ème R.C.A., une section du R.M.L.E. vers le carrefour 182 (route d’Artzenheim), dans le but d’atteindre le pont 188 sur le canal de Colmar. A 14 heures, le détachement de BOUVET débouche de Jebsheim par la route d’Artzenheim. Arrivé à hauteur du cimetière de Jebsheim, il est immédiatement pris à partie par des armes antichars(très certainement 2 Jagdpanther) situées dans les lisières Ouest du bois de la Hardt. Le char n°31 du Lieutenant de BOUVET, reçoit deux coups d’explosifs à la suite sur la tourelle. Le Lieutenant de BOUVET, grièvement blessé succombera à ses blessures, son tireur le Brigadier-Chef VALOT et son chargeur le chasseur GACON sont également atteints. Le char n°32 est immobilisé par une rupture de chenille, mais le troisième char mène à bien la mission confiée au peloton. Son action permet la capture de cent prisonniers.

Carte du Combat Command 6 (CC6) de la 5ème DB pour la journée du 27 janvier 1945. Archives MMCPC.

)Pour le Colonel BES de BERC (commandant du 2ème Escadron) c’est un premier obus arrivé au but qui a enflammé l’engin fait sortir son chef lorsqu’un second arrive soit sur ou à coté qui le blesse mortellement. Pour le tireur, le Brigadier-Chef VALOT l’un des obus tombe sur la tourelle et blesse l’équipage ainsi que le chef d’engin qui avait sorti le tronc pour avoir une vision d’ensemble plus dégagée au profit des légionnaires de la 9ème compagnie du RMLE qui l’accompagnait (le tireur VALOT, sera très sérieusement touché à la tête et dans le dos et sera réformé, le chargeur GACON a eu les deux bras transpercés par des éclats mais rejoindra le peloton quelques mois plus tard).

Le Lieutenant Jacques de Bouvet est atteint par un éclat dans la région du foie. On lui fait un pansement au poste de secours installé dans le village même. Il est transféré rapidement à Sélestat où il est opéré par un excellent chirurgien qui essaie en vain d’arrêter l’hémorragie; on fait sans succès une transfusion de sang. Jacques est mort vers 4 heures du matin, le 28 janvier, à Sélestat où il est inhumé…il avait 25 ans.

Mlle GAUTRON, infirmière à l’hôpital de Sélestat et ayant soigné Jacques jusqu’à sa fin se souvient en écrivant une lettre à sa soeur : « Il a été opéré aussitôt arrivé à notre poste de traitement à Sélestat par un excellent chirurgien de Paris, réserviste, le médecin-capitaine VIDAL-NAQUET. Vous pouvez donc avoir toute quiétude à ce sujet : hélas ! on a vu tout de suite qu’il n’y aurait rien à espérer – le foie était complètement traversé et gravement lésé, vous savez que ces blessures là ne sont pas guérissables. Avec des transfusions on a pu le prolonger jusqu’au lendemain matin. Il a été administré avant d’être opéré et je crois qu’à ce moment là il avait fait son sacrifice – notre aumônier était malheureusement absent, et c’est celui de l’hôpital civil de Sélestat qui le remplaçait»

Un autre témoignage extrait de la lettre du Commandant de VIEVILLE du 3 février 1945 qu’il commandait le groupement du 6°RCA dont faisait partie le peloton du Lt de BOUVET :

« Nous l’aimions tous, ce grand et beau garçon, toujours gai arrachant les rires à son entourage quand les bivouacs africains étaient, parmi les tempêtes de sable, des plus primitifs,

et toujours gentleman. Ses hommes l’adoraient et l’admiraient pour son calme imperturbable sous le feu. Je le revois aussi à Belfort, le 21 novembre, faisant à pied et en char des opérations de nettoyage très sportives mais fort aventurées. Puis, lorsqu’il eut reçu deux balles à la main, donnant au colonel des renseignements avec un calme et une précision parfaite, sans s’occuper de sa blessure qui n’était même pas pansée… »

Pour son sacrifice ultime et son engagement pour libérer la France, il est nommé par décret dans l’Ordre National de  la Légion d’Honneur au grade  de Chevalier à titre posthume :

« Jeune officier doué des plus nobles qualités et promis au plus bel avenir. Nature vibrante et généreuse. Chef de peloton ardent et d’une grande bravoure.

Le 27 janvier 1945, malgré un tir très ajusté de chars ennemis, a engagé hardiment son peloton sur les lisières est de Jebsheim : a été mortellement blessé au cours de cette action ».

Extrait du décret du 14 mai 1945 portant nomination dans le Légion d’ Honneur au grade de Chevalier à titre posthume. Archives famille de Bouvet.

Le Lieutenant Jacques de BOUVET venait d’avoir 25 ans, il aimait la France par dessus tout. « Neas Subir » était la devise de son chef ; son sacrifice correspond à cet idéal de vie qu’il s’était donné.

Nous ne pouvons terminer l’histoire du Lieutenant Jacques de Bouvet sans avoir une pensée émue pour son frère Bernard (1921-1945), tué quelques semaines avant lui le 6 janvier 1945, alors engagé volontaire au 2ème Bataillon de Choc et qui fut décoré à titre posthume de la Médaille Militaire et de la Croix de Guerre…il avait 23 ans.

Archives famille de Bouvet.

C’est le 7 avril 1962 que sont à nouveau réunis les 2 frères lors de leur inhumation côte à côte dans le petit cimetière de Saint-Remy-en Bouzemont(51) où ils reposent ensemble pour l’éternité.

Tombe de Jacques et Bernard à Saint-Remy-en Bouzemont(51) . Il sont enterré avec leur père. Archives famille de Bouvet.

Nous remercions sincèrement Renaud de BOUVET, son neveu, ainsi que a famille de Bouvet pour le partage de l’histoire du Lieutenant Jacques de BOUVET et de son frère Bernard, afin que nous puissions leur rendre l’hommage qu’ils méritent et que pour que leurs sacrifices restent dans notre Mémoire collective à jamais.

Claude de Bouvet(1924-2017) dernier survivant des trois valeureux frères; Ecole Spéciale Militaire Promotion « Rome Strasbourg 44 », Officier de la Légion d’Honneur, Croix de Guerre des Théâtres et d’Opérations Extérieurs (T.O.E), Croix de la Valeur Militaire, Blessé de guerre, nous a quitté le 16 novembre 2017 à Vertou (44).

Sturmbootmotor 39

Ce moteur, d’un canot d’assaut 39 allemand (« Sturmboote 39 ») est un 4 cylindres refroidis par eau. Moteur hors-bord 4 temps d’une puissance de 30 CV (Boxer moteur 30CV).
Il peut aussi servir à déplacer des pontons et des bacs sur les cours d’eau.

Une histoire pas comme les autres…que nous raconte son propriétaire Hubert OTT de Schoenau (67) :

Peu avant la signature de la capitulation de la France (Armistice du 22 juin 1940), Adolf Hitler lance une opération de « prestige » sur les bords du Rhin…il s’agit de l’opération « Kleiner Bär » qui signifie littéralement « petit ours », dans le but de démontrer l’inefficacité de la ligne Maginot défendue par les Régiments d’Infanterie de Forteresse (R.I.F.).

NB : offensive de la 7e armée allemande lancée le 15 juin 1940 afin d’envahir la plaine du Rhin et à encercler les armées françaises en retraite. Plus symbolique que décisive, cette opération devait permettre à Hitler de prétendre à une victoire sur la fameuse ligne Maginot. Après un bombardement d’artillerie contre les casemates, la Wehrmacht franchit le fleuve à Rhinau, Marckolsheim, Neuf-Brisach et Geisswasser.

source photo : Waffen-Arsenal S-45.

Pour cette opération de franchissement du Rhin entre Rhinau(67) et Neuf-Brisach (axe principal à Marckolsheim – 67).

Les « Stosstruppen » de la Wechmacht (troupes d’assaut) ont utilisées des canots d’assaut (barques en bois d’une contenance maximum de 8 soldats (plus un pilote) équipés de moteurs hors-bord de 30 CH tel que celui présenté devant vous.

source photo : Waffen-Arsenal S-45.

Ce type de canot d’assaut a pour dénomination « Pionier Sturmboot 39 ».

source photo : Waffen-Arsenal S-45.

Les défenseurs de la ligne Maginot se sont battus avec acharnement et ont pu neutraliser un certain nombre de ces bateaux ultra rapides (mais pas suffisamment). Les épaves se sont alors échouées en aval du lieu des combats sur les bancs de gravier ou le long des berges du Rhin : en particulier à Schoenau(67).

source photo : Waffen-Arsenal S-45.

NB : 15 Juin 1940 : Durant l’assaut, malgré leurs bombardements, les ouvrages de berges de Schoenau ouvrent le feu sur les Sturmboot allemands causant la mort, pour la plupart par noyade, de 46 Stosstruppen et une centaine de blessés.

Après la défaite de la France, les civils alsaciens qui avaient été évacués en septembre 1939 (principalement dans le sud-ouest) ont été invités par le régime nazi à revenir dans leur foyer (car considérés comme citoyens allemands de fait suite à l’annexion de l’Alsace-Moselle).

En rentrant ils ont récupéré un certain nombre de biens réquisitionnés dans les casemates et abandonnés.

C’est ainsi que mon père Alfred OTT (1891 – 1974) et d’autres habitants ont pris possession du matériel militaire (français ou allemand) laissé sur place dont ce moteur de Sturmboot 39.

1 bloc cylindre 5 tuyau échappement 6 clayet d’échappemement 7 ancrage de trépied 8 bite d’ancrage 9 manette verrouillage moteur en marche12 logement de la manivelle 14 bouchon de réservoir 15 robinet d’essence 16 tuyau alimentation d’essence des carburateurs 17 carburateur 18 collecteur d’admission 19 tirant bas de la cuve du carburant 20 manette des gaz 21 pompe injection d’essence 22 fermeture et robinet de purge de l’injection 23 réservoir huile de graissage 25 bouchon de vidange d’huile 26 manomètre pression huile 27 magneto 29 bougie d’allumage. source photo : Waffen-Arsenal S-45.

Pour le soustraire à la vue de l’administration allemande, mon père a démonté partiellement le moteur afin de l’enterrer dans les tranchées creusées par l’armée française, qui se trouvaient dans sa propriété.

Quelques temps après la fin de la seconde guerre mondiale (vers 1946), mon père est allé récupérer les biens qu’il avait cachés « au nez et à la barbe » de l’occupant nazi pendant plus de 4 années. Il n’y avait pas que ce fameux moteur mais également des bouteilles de vin, du schnaps (spiritueux), des fusils de chasse…

Après remontage du moteur mon père Alfred a finalement réussi à le remettre en état de marche et à le refaire fonctionner. N’ayant trouvé aucun usage pratique à celui-ci il l’a tout simplement remisé dans un garage où il est resté bien à l’abri plus de 75 ans avant de se retrouver au Musée Mémorial.

Nous remercions sincèrement Monsieur Hubert OTT, fils de Monsieur Alfred OTT pour son témoignage écrit et le prêt du moteur au Musée Mémorial des combats de la poche de Colmar.

source photo : Waffen-Arsenal S-45.
source photo : Waffen-Arsenal S-45.
source photo : Waffen-Arsenal S-45.

Gilbert PLAIT 1922 – 1945

Caporal-chef Gilbert PLAIT – source Famille Plait.

Gilbert, Ferdinand, Joseph PLAIT voit le jour le 10 novembre 1922 à Gauchin-Verloingt dans le Pas-de-Calais (62).

Son père, Joseph PLAIT (1896-1952), est un ancien poilu de la première guerre mondiale, médaillé de la Croix de Guerre 14-18 avec étoile de bronze. Il est mineur de fonds puis ouvrier agricole et son épouse, Céline PLAIT née BRIOIS (1898-1936) est ménagère.

Gilbert obtient son certificat d’étude primaire entre 11 et 13 ans. Il quitte ensuite l’école et va travailler comme manoeuvre.

Gilbert Plait, classe 1931-1932 – source : La voix du Nord 1992.

Dans sa vingtième année il s’engage volontairement pour une durée de 4 ans dans les troupes coloniales le 10 avril 1942 au titre du 13ème Régiment de Tirailleurs Sénégalais (13ème RTS) à l’intendance mixte de Toulon. Il arrive au corps le 15 avril 1942 en tant que soldat de 2ème Classe.

Insigne du 13ème RTS – source internet.

Il est placé le même jour au GTER du 21ème RIC. Le 23 mai 1942 il passe au GTER du 2ème RIC à Castelnaudary et à nouveau eu GTER du 21ème RIC à Toulon. Il opte pour le 1er BPI le 20 juillet pour y être affecté le 1 août 1942. Il embarque à Marseille le 5 août 1942 et débarque à Alger 2 jours plus tard. Il est affecté à la 1ère compagnie.

Le 16 novembre 1942 il passe au 13ème Régiment de Tirailleurs Sénégalais.

Il est nommé au grade de caporal par ordre du Régiment n°35 en date du 22 avril 1943, à compter du 1 er avril 1943.

Le 16 juillet 1943 il rejoint le bataillon de Choc à Staouéli dans la banlieue ouest d’Alger. Il est affecté à la 4ème section de la 2ème compagnie du Bataillon de choc.

Gilbert Plait, Staouéli juillet 1943 extrait d’un trombinoscope de la 4ème section de la 2ème compagnie du Bataillon de choc – source Henri Simorre.

Le confort est succinct à Staouéli, la nourriture est maigre mais l’entrainement passe avant tout : tir à balles réelles, exercices physiques journaliers, corps à corps…

Du 13 au 14 septembre Gilbert PLAIT est en mer avec sa compagnie (2ème Cie) et avec la 3ème section de la 3ème compagnie du sous-lieutenant Glavany) et débarque du torpilleur « Fantasque » dans la matinée du 14 à 1h00 du matin au milieu d’une foule délirante en Corse  à Ajaccio (opération « Vésuve ») et va participer ainsi à la Libération de la Corse jusqu’au début du mois d’octobre 1943.

En janvier 1944 il est sélectionné par le sous-Lieutenant Marcel Fournier pour participer à une opération de sabotage de la voie ferrée Pise-Rome et pour s’entraîner spécifiquement à cette mission. Le 27 mars 1944 le groupe de commandos embarque à Bastia sur 2 « rubber-boat » (4 hommes par canot) tirés par des vedettes rapides et touche terre à 23h30 en Italie. Une fois la voie ferrée atteinte, ils la suivent pendant 1 km avant d’arriver au pont et ses pylônes, qui ne sont pas gardés. Vers 1h40 toutes les charges sont posées et après une bonne demi heure de course à pied, les commandos atteignent le rivage (il est 2h20). Cinq minutes avant l’explosion (3h15) les hommes du commando montent à bord des 2 vedettes venues les rechercher. A 6h le 28 mars ils arrivent à leur port de départ, tous sain et sauf, comme si de rien n’était. (source : la glorieuse épopée du 1er Bataillon de Choc de Raymond Muelle).

Le 1 janvier 1944 Gilbert PLAIT est nommé au grade de caporal-chef.

il prend part aux opérations de l’île d’Elbe16 au 26 juin 1944 (opération « Brassard »).

Pour son action Gilbert Plait obtient une première citation à l’ordre du Régiment, du Lt-Colonel Gambiez, avec attribution de la Croix de Guerre 1939-1945 avec étoile de bronze :

« Caporal-chef d’un courage et d’un sang-froid à toute épreuve. A confirmé ses belles qualités militaires au cours des opérations de l’Ile d’Elbe le 17 juin 1944. Participant avec son groupe au harcèlement dan la région de Pila et à l’attaque du Mont-Bacile. A ramené sous le feu ennemi son chef de groupe blessé au cours de l’attaque ».

De retour en Corse l’entraînement se poursuit jusqu’au 17 août date à laquelle il embarque avec ses camarades sur le LST 664, pour débarquer sur la côte provençale, vers midi le 20 août « aux sablettes ».

Il va se distinguer à nouveau lors des combats pour libérer la ville de Toulon. Il est cité à l’ordre du Corps d’Armée par le Général de Lattre :

 » Jeune gradé plein d’allant et d’audace, d’un sang-froid remarquable. A pris le commandement de son groupe après que les deux premiers chefs de groupe fussent l’un blessé et l’autre disparu. A participé et contribué pour une très large part au cours des combats du 21 au 25 août 1944 à Toulon, au nettoyage de résistance et à la destruction de 5 véhicules ennemis. A été blessé par l’explosion d’un camion plein de munitions alors qu’il était sorti de son abri pour mieux tirer des fuyards. Déjà cité ».

Par la suite le Bataillon de Choc va remonter la vallée du Rhône avec la première Armée et participer à la libération de Dijon le 9 septembre 1944.

Début octobre ils vont se battre à Servance, puis s’emparer de Château-Lambert dans le secteur du Thillot.

Début nombre Gilbert Plait obtient une troisième citation, à l’ordre de la Brigade, signée par le Général de Lattre :

« Jeune gradé ayant fait preuve aux combats du Haut-du-Tot (Vosges), le 3 novembre 1944, de belles qualités militaires en se reportant avec son groupe, en dépit d’un tir meurtrier, sur le flanc de la section pour la protéger contre les infiltrations de tireurs d’élite ennemis. A confirmé son cran et son audace à Bourbach-le -Haut (Ht-Rhin) le 1er décembre 1944 au cours d’une patrouille de nuit dans le dispositif ennemi en se portant de sa propre initiative à la rencontre d’éléments allemands qui cherchaient à encercler sa patrouille. Est resté au contact le dernier. A par son action efficace, permis le décrochage et le repli de la patrouille ».

Lors de la cérémonie du 24 novembre 1945 il reçoit la médaille de la libération de Belfort (90).

Médaille nominative attribuée aux libérateurs (du 20 11 1944) de la ville de Belfort et offert le 25 novembre 1945 lors d’une cérémonie commémorative.

Gilbert Plait poursuit son parcours par les terribles combats de Masevaux…Bourbach-le-Haut…col du Hundsruch avant de prendre un repos bien mérité, mi-décembre, dans la région de Delle dans le territoire de Belfort. On retrouve la 2ème compagnie du caporal-Chef Plait le 27 janvier 1945 à Selestat d’où elle sera dirigée vers Jebsheim où elle doit attaquer les bois de la Hardt le long du canal du Rhône au Rhin fortement défendus par les allemands. En l’espace de quelques heures cela va lui coûter 29 tués et une centaine de blessés.

Le 1er février 1945, Gilbert Plait va obtenir une quatrième citation, à l’ordre du Régiment, de la part du Lt-Colonel Gambiez :

« Gradé toujours volontaire pour les missions dangereuses. Au cours des combats de Durrenentzen (Ht-Rhin) le 1er février 1945, a ramené dans nos lignes un chasseur blessé qui se trouvait à proximité immédiate des lignes allemandes ».

Il entre dans Colmar le 2 février 1945 et participe aux cérémonies de libération avec l’ensemble du Bataillon de Choc. Le 18 février le Bataillon fait mouvement vers Soultzmatt(68) où il va rester plus d’un mois en cantonnement avant fin mars de partir pour franchir le Rhin début avril et participer à la campagne d’Allemagne.

Le 8 avril 1945 à 11h lors de la prise de Pforzheim le caporal-chef Plait, accompagné du chasseur Matsaert, partent pour prendre liaison avec l’aspirant Cilbert. Au retour, ils sont pris à partie par des tireurs délite. Le chaseur Matsaert est grièvement blessé et ramené dans ses lignes par Gilbert Plait au péril de sa vie.

Le 13 avril 1945, c’est dans les bois de Hoeffen (massif de la Forêt noire), que le caporal Gilbert PLAIT tombe mortellement atteint à son poste de combat et trouve une mort glorieuse au champs d’Honneur. Il est décoré de la Médaille Militaire à titre posthume avec pour citation :

« Jeune gradé, adjoint de son groupe, doué des plus belles qualités militaires. Toujours volontaire pour les missions dangereuses, entraineur d’hommes. A participé à toutes les opérations de son unité, CORSE, ILE d’ELBE, TOULON, VOSGES, ALSACE. Le 8 avril 1945, lors de l’attaque de Pforzheim(Wurtemberg), éclaireur de tête de sa section, volontaire pour une patrouille de liaison et chef de celle-ci ramène au péril de sa vie un de ses hommes grièvement blessé par un tireur d’élite ennemi. Le 13 avril dans la région de Dobel(Wurtemberg) tombe mortellement atteint à son poste de combat au cours de la progression de son unité ».

Il est inhumé au cimetière militaire de Wilferdingen (Allemagne) puis son corps est rapatrié en France et rendu à sa famille le 24 mars 1953 à Gauchin-Verloingt où il repose pour l’éternité.

Mort pour la France, dans sa vingt troisième année, nous n’oublions pas son sacrifice pour nous libérer du joug nazi.

Nous pensons à lui et à ses camarades à qui nous devons tant!

Monument aux morts de Gauchin-Verloingt – famille PLAIT.

René Le SAUX 1917 – 2007

René le Saux voit le jour le 14 novembre 1917 à Locquirec (Nord Finistère).

Il entre à l’Ecole Spéciale Militaire de Saint Cyr en septembre 1939 et choisi de partir dans l’aviation. Il intègre l’Ecole d’application de l’armée de l’Air de Versailles.

Il est breveté comme observateur en avion en mars 1940 et rejoint l’Afrique du Nord en juin de la même année. Mis en permission renouvelable à Alger, il est affecté au Groupe de Reconnaissance I/52 à Marrakech en décembre 1940.

Après le débarquement américain du 8 novembre 1942, il se porte volontaire pour servir dans une unité parachutiste et rejoint le 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes (1 RCP) à Fès au Maroc où il passe et obtient le 22 mars 1943 son brevet parachutiste (n°778). Le jeune lieutenant est affecté à la 8e compagnie où il seconde le capitaine Chevalier. Avec ses camarades il quitte l’Afrique du Nord, passe par la Sicile(avril 1944), Rome en juillet 1944,  pour arriver enfin à Valence début septembre et participer à la libération du territoire national.

Pour le 1er RCP les choses sérieuses commencent début octobre lors de la campagne des Vosges. Le Lieutenant le Saux est gravement blessé par un obus le 8 octobre 1944 lors du repli de sa compagnie après la mort de son commandant, le capitaine Chevalier. A peine remis de ses blessures, il revient à temps son unité pour participer à la libération de l’Alsace et prendre le commandement de la 10ème compagnie.

Après les combats de Jebsheim, le 1er février 1945, il a pour mission de commander l’assaut de Widensolen(68) avec en appui le 4e escadron du 1er RCA (Régiment de Chasseur d’Afrique) du Capitaine Raymond Gaillard de St Germain.

L’attaque commence à 0h30 par des tirs de barrage d’artillerie. Les hommes du Capitaine le Saux entrent dans le village à 1 heure du matin. La 10e compagnie fait prisonnier les restes du 136e Gebirgsjager Regiment qui se sont réfugiés dans l’église du village et ne veulent plus se battre. Au petit jour, Widensolen est libéré et le Capitaine René le Saux est accueilli au presbytère par l’abbé Fuchs. Il s’installe pour quelques heures avant de repartir pour Colmar.

Pour ses actions, il est fait chevalier de la Légion d’honneur. Le chef de Corps du 1er RCP lui remet officiellement cette distinction à Pau en décembre 1945.

Après la guerre, il rejoint l’Ecole des Troupes Aéroportées de Pau, en tant qu’instructeur jusqu’en 1953. De 1953 à 1955, il participe à la guerre d’Indochine au sein de la 3e compagnie de ravitaillement par air.

De 1956 à 1959, il sert en Algérie dans un régiment d’infanterie.

Il est fait officier de la Légion d’Honneur en 1959. A peine rentré en France, il repart en Algérie pour ramener le 1er RCP en France en 1961 à Moulins-les-Metz.

Il termine sa carrière à l’Ecole d’Application de l’infanterie de Montpellier en 1971, et quitte définitivement l’armée 3 ans avant la limite d’âge de son grade.

Breveté observateur en avion, moniteur parachutiste, moniteur d’escalade. Titulaire des brevets américains de parachutiste et de planeur. Licencié ès lettres (anglais), passionné d’études slaves, il parle plusieurs langues, dont l’anglais, le russe et le breton.

En 2006, en tant qu’ancien Libérateur du village de Widensolen il est fait « citoyen d’Honneur ».

Il décède le 26 août 2007 à Nice, après une vie bien remplie, et est enterré dans son village natal de Locquirec.

Le Colonel Le Saux est Commandeur de l’Ordre National du Mérite, Officier de la Légion d’Honneur, Croix de Guerre 39-45, T.O.E., Croix de la Valeur militaire, médaille coloniale, cinq citations, une blessure, 1000 heures de vol, 300 sauts en parachute.

Francis Garnier 1923 – 2015

Francis Garnier en 1945 – DR – colorisation klm127.

Francis Garnier voit le jour le 30 mars 1923 à Belfort (90).

À 14 ans il commence un apprentissage pour devenir boulanger.

En juin 1940 alors qu’il est boulanger à Belfort l’eau vient à manquer et il ne peut plus faire de pain.

Par une affiche, il apprend que tous les jeunes né jusqu’en 1923 (classe 43 doivent) se rendre au camp de Valdahon pour recevoir une instruction militaire. Avec un camarade, il part le 16 en vélo pour rejoindre sa garnison mais ils sont bombardés par des avions puis presque rattrapés par les troupes allemandes. Il ne doit son salut qu’à une camionnette remplie de soldats en fuite qui les emmènent avec eux à Toulouse.

Avec son compagnon d’exode, il est engagé aux cuisines pour faire à manger aux réfugiés de la zone Nord. Un matin il aperçoit sur un des panneaux servant au regroupement des familles le nom de son frère qui s’est réfugié à Saint Étienne. Il le rejoint et s’installe chez lui. Quand son aîné part enseigner le français en Afrique du Nord avec sa famille, Francis Garnier retourne à Belfort et reprend le travail dans une boulangerie.

Le 8 novembre 1941, il décide de rejoindre De Gaulle en Afrique du Nord. Il franchit illégalement la ligne de démarcation avec l’aide d’un paysan entre Arbois et Poligny. Avec un copain d’évasion, il s’installe à Lyon chez des amis à ses parents. Il y vit de petits boulots jusqu’à fin janvier 1942 où ses papiers sont à peu près en règle. Il part à Marseille dans l’espoir de prendre un bateau pour rejoindre son frère, désormais installé en Algérie Française. Il réussit avec la complicité d’un marin à monter à bord du bateau « gouverneur général Grevy ». L’homme de bord lui prête un caban pour passer la douane sans contrôle. A bord il bénéficie de la complicité de marins qui lui fournissent à manger et de quoi dormir.

le « gouverneur général Grevy » – source internet- colorisation klm127.

Le 16 février 1942 il débarque enfin à Alger pour prendre le train jusqu’à Mostaganem où l’attend son frère. Il a pour objectif de rejoindre le Nigeria pour rallier les forces françaises libres. Il réussit à atteindre Colomb-Béchar à l’entrée du Sahara. Cependant il rate le départ des camions de la transsaharienne. Le jeune homme n’a plus d’argent, il dort dans les dunes avec les iguanes. Désespéré, il va voir le commandant du territoire de Colomb-Bechar. Il se confie sur son projet de rejoindre les FFL. Ce dernier l’en dissuade mais l’engage sur le champ à la gestion des subsistances quand il apprend qu’il est boulanger.

Il est bientôt repéré par la commission germano-italienne en juin 1942 qui veut l’obliger à s’engager dans l’armée de Vichy. Bien entendu il s’insurge et choisit de se cacher dans les chantiers de jeunesse, au groupement 102.

Insigne du Groupement 102 – source : internet.

En novembre 1942, le groupement 102 est rapatrié à Tlemcen en Algérie.

En décembre Francis Garnier se porte volontaire pour les parachutistes. Après 1 mois de formation sommaire, il intègre la compagnie d’infanterie de l’air numéro 1 (CIA n°1) mi-janvier 1943.

Francis Garnier à Fez en 1943 en tenue bleue de l’armée de l’air – source : Histoire de rapaces – colorisation klm127.

Il est breveté parachutiste le 20 mars 1943 avec le numéro de brevet 943 et est affecté à la 4e compagnie du 1er Régiment de Chasseurs parachutistes (1 RCP).

Brevet tissu de Francis Garnier qu’il a offert au Mmcpc lors d’une de ses visites.

Il suit les chasseurs parachutistes dans leurs pérégrinations, Oujda au Maroc la Sicile (avril 1944) et Rome en juillet 1944. Il est reçu avec le détachement du régiment par le Pape qui lui bénit sa paire de plaque d’identité avec un médaillon de saint Christophe (que l’on peut apercevoir à son cou sur la photo prise en 1945).

Francis Garnier en 1944 en tenue de saut américaine. source : Histoire de Rapaces – colorisation klm127.

Début septembre 1944 le régiment atterrit à Valence puis remonte la vallée du Rhône pour rejoindre le secteur des Vosges. Le 4 octobre, la 4e compagnie est prise à partie par des tireurs embusqués. Francis Garnier amène sur son dos à l’infirmerie un camarade blessé par un tir. Le 6 octobre sa compagnie se trouve au Nord du village du Menil pour couvrir le repli du régiment dans un « orage de ferraille » quand le jeune parachutiste reçoit un éclat d’obus au phosphore d’un canon de 37mm dans la cuisse (ces munitions sont très dangereuses car le phosphore ronge les chairs).

Pour son action il est cité à l’ordre du régiment :

« Chasseur courageux et plein d’allant a été blessé le 6.10.44 à l’attaque du Menil en faisant un bond sous un feu violent de l’ennemi »

Il est évacué sur un mulet d’un groupe de Tabor avec comme contrepoids un mort du régiment pour équilibrer « la charge ». Sa blessure est sérieuse et il est conduit en ambulance jusqu’à l’hôpital américain de Besançon où il est opéré une première fois. A peine remis sur pied, il rejoint le régiment début décembre 1944 et retourne au combat avec sa compagnie. Il participe à la « charge héroïque » de la 4e compagnie sur Witternheim (67) et fait partie des 4 parachutistes qui en réchappe miraculeusement sans blessure. Il a vu nombre de ses compagnons mourir tout autour de lui ce jour mais il continue le combat. Après cet assaut sanglant, il évacue à nouveau un mort sur son dos…on ne laisse pas un camarade sur le champ de bataille !

Il reçoit sa deuxième citation, cette fois-ci à l’ordre de la Brigade :

« Excellent Chasseur dur et résistant. Tireur antichar de son peloton, a toujours montré le plus grand courage et le plus grand calme dans les circonstances les plus dangereuses. Est monté au feu avec une blessure mal fermée de la dernière campagne. S’est distingué devant Witternheim en partant à la tête de sa compagnie à l’assaut d’une position ennemie sous les feux violents d’infanterie adverse ».

Le 23 décembre il doit consulter un médecin car sa blessure (Vosges – octobre 1944) le fait souffrir. Il est évacué à l’hôpital français de Lure où il est opéré une seconde fois (le chirurgien américain avait oublié quelques morceaux d’éclats).

Francis Garnier rejoint le régiment le 18 janvier 1945 et prend part aux derniers combats de la poche de Colmar. Il est dans la fournaise des combats à Jebsheim(68) du 25 au 31 janvier puis à Widensolen(68) le 1 février et entre dans Colmar avec les autres libérateurs le 2 février 1945.

Le 10 avril 1945 il suit le régiment à Avord mais a rapidement de nouveaux soucis avec sa blessure et il doit subir une troisième intervention chirurgicale. Après sa convalescence, il rejoint pour la dernière fois le 1er RCP et il est démobilisé le 30 octobre 1945 à Bayonne.

De retour à la vie civile, il reprend son travail de boulanger et s’investit dans les associations patriotiques. Il perd lentement la vue et doit cesser ses fonctions au sein des associations mais continue de se rendre avec ses camarades dans les Vosges et en Alsace pour les commémorations patriotiques.

Il s’éteint le 5 juillet 2015 à l’âge de 92 ans entouré de ses enfants, petits-enfants et arrières petits-enfants.

Francis Garnier est titulaire des décorations suivantes :

– Légion d’honneur

– Médaille militaire

– Croix de guerre 1939-1945 avec étoile d’argent et étoile de bronze.

-Médaille des blessés.

Journée de remise de la Légion d’honneur à Francis Garnier- source : Histoire de Rapaces.