Abner CHERKI 1924 – 2020

¨Portrait d’Abner CHERKI en tenue de saut modèle 1942. On reconnait la veste de saut « coat, parachute jumper » – colorisation klm127.

Le jeune Abner Messaoud CHERKI est né le 20 décembre 1924 à Alger .

Issu d’une fratrie de 9 frères et soeurs, dans une famille de notables reconnus d’Alger, son père, Aizer CHERKI, était un grand négociant d’épices d’Afrique du nord et ancien combattant (Sergent-chef au service de santé des armées) ayant servi dans les Ardennes, ainsi qu’au levant (Egypte, Palestine, Liban et Syrie) entre 1913 et 1919. Il perdit deux de ses frères dans les tranchées.

Aizer CHERKI, père d’Abner.

Titulaire d’un certificat d’études primaires (CEP), diplôme qui valide la fin de l’enseignement primaire élémentaire dans les années 30.

Photo de classe à Alger en 1937 – Abner est le 3ème en partant de la gauche au 2ème rang.

Il commence à travailler en tant qu’employé de commerce chez son père.

Abner à 17 ans à Kouba en banlieue d’Alger.

Issu d’une famille juive religieuse il tombe amoureux d’une jeune fille plus jeune que lui de 4-5 ans , Marcelle Sourgnes, orpheline, qu’il rencontre aux Eclaireurs Israélites de France (Du scoutisme juif à la Résistance (sdv.fr))où il est très actif .

Le nom de « totem » d’Abner est « Loupcoquet » .

Le « totem » d’Abner…une tête de loup pour « Loupcoquet ».

Malheureusement les familles s’opposent à cette relation mais Abner persiste.

Car pendant toute la guerre grâce à une amie commune prénommée Lison, il va continuer à correspondre avec elle…malgré la distance, l’intervention des familles, la guerre, les joies et les peines…

Marcelle et Abner se marient en 14 mai 1948…

…et resteront inséparables jusqu’au « dernier saut » d’Abner (comme le disent les parachutistes) après plus de 72 ans de vie commune.

Ayant une vie « confortable » il n’était pas écrit par avance qu’Abner devait aller se battre.

Mais ce n’était pas connaître ce jeune homme, grand patriote, courageux et avec un fort caractère qui ne pouvait accepter que son pays la France puisse être occupée par une puissance étrangère.

Enfant d’Afrique du Nord, ayant été obligé de se rendre à plusieurs reprises en métropole pour se soigner pendant son enfance, il était essentiel pour lui d’aller se battre, de retraverser la Méditerranée pour libérer ses compatriotes du joug nazi.

Contre l’avis de sa famille il prend la décision de s’engager dans l’armée française pour participer à la Libération du territoire national.

Avant ses 18 ans, il falsifie la signature de son père et s’engage.

Alors qu’il commence ses classes dans l’artillerie,  il est renvoyé a Alger par son adjudant qui lui dit : « Reviens quand tu auras 18 ans ! ».

A 19 ans, par devancement d’appel il s’engage au bureau d’incorporation Air de Oudja avec la classe de mobilisation 1943 (il est de la classe 1944).

Le livret individuel militaire d’Abner CHERKI.

Il est affecté au Centre Instruction Infanterie n°1 (CII) de Mouzaïaville (proche de Blida – aujourd’hui = Mouzaïa) où il arrive le 15 octobre 1943 et y reste jusqu’au 11 décembre 1943

Mouzaïaville à l’ouest de Blida – source carte : internet.

Il est affecté au 1er RCP à compter du 12/12/1943 (il passe la frontière algéro-marocaine le 10/12/1943) et rejoint le régiment le même jour à Oudja au Maroc.

Abner Cherki est le 2ème en partant du fond. Cette photo a été prise à Avord , en 1945, alors que la 6ème compagnie effectue des sauts en parachutes à partir d’avions Curtiss C46 commando.

Trois jours avant son 19ème anniversaire il est breveté par les américains le 17 décembre 1943 suite à son stage à l’Airborne Training Center (ATC) Parachute School de la 82ème Airborne US qui lui délivre son certificat.

Certificat d’Abner CHERKI de l’Airborne Training Center (ATC) Parachute School de la 82ème Airborne US.

Côté français, il obtient son « Brevet Militaire d’aptitude aux fonctions de parachutiste de l’Infanterie de l’Air » le 3 janvier 1944 : c’est le brevet n° 1651.

Une fois lors d’un de ses multiples sauts, son parachute principal ne s’ouvre pas (« torche ») mais heureusement son parachute ventral de secours s’ouvre… il y perdra plusieurs dents.

Brevet Militaire d’aptitude aux fonctions de parachutiste de l’Infanterie de l’Air d’Abner CHERKI.

Il est affecté à la 6ème Compagnie (IIème Bataillon) en date du 11 janvier 1944.

La 6e compagnie fait partie du 1er bataillon du 1er RCP avec les 3ème, 4ème et 5ème compagnies.

Ci-dessous les Fanion de la 6ème compagnie dont faisait parti Abner Cherki. Pour la petite histoire il fut confectionné par des soeurs dans un couvent proche de Trapani en Sicile.

Il atterrit en Sicile le 5 avril 1944.

Photo de groupe prise en Sicile à Trapani – Abner Cherki est au 2e rang, le 4ème en partant de la gauche (cercle bleu).
Au centre on distingue le fanion de la 6ème compagnie et la présence d’un petit lapin blanc en bas à droite.

Il arrive en métropole le 5 septembre 1944 à Valence-Chabeuil dans la Drôme et participe activement à la campagne des Vosges du 3 au 21 octobre 1944.

Il prend une part offensive aux combats de la forêt de Longegoutte (Morbieux) le 6 octobre 1944 et de la forêt du Gehan (Ménil) les 13, 16 et 20 octobre 1944.

Malgré le froid et la dureté des combats dans les Vosges, Abner avait raconté  » qu’ils « invitèrent » les prisonniers allemands à dormir avec eux sous les tentes…ceux qui refusèrent furent retrouvés le lendemain mort de froid ».

La proposition de citation validée par le Colonel GEILLE commandant du 1er RCP pendant la campagne des Vosges.

Il est blessé le 16 octobre 1944 au col du Ménil par éclat d’obus à l’épaule gauche, quand un tir de mortier frappe la base de départ de sa compagnie juste avant l’assaut prévu, ce qui lui vaudra une citation à l’ordre du Régiment avec Croix de Guerre 1939-1945 et étoile de bronze.

Après guerre Abner racontait qu’il se souvenait très bien des balles qui sifflaient alors qu’il était en position derrière les arbres et qu’il pouvait entendre les soldats allemands parler tellement ils étaient proches les uns des autres.

« A 8h du matin , les compagnies s’élancent pour franchir le col. Les mortiers de la 3e compagnie ont effectué des tirs préparatoires sur les positions allemandes.
La 6ème compagnie a reçu une mission spéciale : s’emparer d’un bois(carré) au sud du col qui doit servir de position pour le Poste de Commandement(PC) du 1er bataillon.  Lorsque la 6e compagnie s’élance, elle est prise sous le feu des mitrailleuses lourdes allemandes. Les hommes continuent la traversée et tombent sur une forte résistance allemande. Les combats sont d’une rare intensité dans ce bois, allant jusqu’au corps à corps.
Cependant le bois est nettoyé et la compagnie s’installe. Pendant encore 24h elle se retrouve sous les tirs de l’artillerie allemande. »

Croquis extrait du journal de marche de la 3e compagnie qui indique le parcours  de la 6e compagnie et d’Abner Cherki – source Guillaume Morelli.

On peut lire également dans l’historique du 1er RCP écrit par Robert Wagener pour la journée du 16 octobre 1944 :

« …sous une pluie battante l’offensive démarre…beaucoup d’hommes, fauchés dans leur course, restent sur le terrain, les médecins, infirmiers et l’aumônier Mulson se dévouent auprès des parachutistes atteints, faisant preuve d’un grand courage sous les tirs meurtriers des allemands… »

Il prend part à la campagne d’Alsace, du 10 au 16 décembre 1944.

Il participe à la garde du Rhin le 10 décembre 1944(Gerstheim à vérifier), aux combats de Witternheim le 13 décembre 1944 et de Neunkirch le 14 décembre 1944.

Le 14 décembre , la 6ème compagnie doit mener une attaque de diversion sur l’ouest de Witternheim qui finalement prend le village à elle seule car le 1er Bataillon a été pris sous un déluge d’artillerie qui l’a décimé. La bourgade de Neunkirch est défendue deux jours plus tard contre des assauts de troupes fraîches allemandes mais ils sont repoussés aux prix de lourdes pertes pour le 1er Bataillon.

Evacué sanitaire le 16 décembre 1944, muté et pris en compte au B.R2 le dit jour.

Abner CHERKI en train de lire un journal pendant sa convalescence.

Il rejoint le dépôt du 1erRCP le 31 janvier 1945 à Lons-le-Saunier où il est réaffecté à la 6ème compagnie en date du 20 février 1945.

Il est nommé à la distinction de soldat de 1ère classe en date du 12 mars 1945 par le Lieutenant-Colonel FAURE commandant le 1er RCP.

Dans une lettre écrite le 24 juin 1945 à son amie Lison, Abner lui raconte une histoire cocasse :  » le jour de la victoire (très certainement le 8 mai) nous avons eu 36 heures de permission mais j’ai trouvé que c’était trop court alors j’en ai pris 72 heures de plus…résultat : 15 jours de prison! »

A son petit fils Noam, Abner Cherki avait raconté qu’à la Libération, pour participer au défilé de la Victoire du 14 juillet 1945, qu’il y eu des arrêts fréquents dans plusieurs gares avant d’arriver à Paris…tout le monde était très joyeux en descendant du train!

Il devait sauter le 14 juillet avec le1er RCP à Longchamps mais à cause du mauvais temps l’opération fut annulée au grand regret d’Abner et ses camarades.

Il s’autorisa une permission dans la capitale avant sa démobilisation et séjourna à l’hôtel Lutetia, siège de l’Abwehr (service de renseignement) pendant l’occupation allemande.

Il rencontra à Paris le futur roi du Maroc Hassan 2 : la rencontre se fit dans une fête foraine dans des auto-tamponneuses…les gardes du corps de sa Majesté n’ont pas très appréciés.

Fiche de démobilisation du 5 octobre 1945.

Il est démobilisé le 5 octobre 1945 par le centre démobilisateur de Blida.

D’après les dire d’Abner le retour en Algérie, se fit par avion, dans le compartiment a bombe, la trappe ouverte avec les jambes tendus au dessus du vide. 

ses décorations :

Croix de Guerre 1939-1945 avec étoile de Bronze.

Médaille des blessés de Guerre.

Médaille commémorative française guerre 1939-45 avec barrette « Libération »

Médaille commémorative de la campagne d’Italie.

Abner CHERKI à sa démobilisation – colorisation klm127.
Mariage d’Abner et Marcelle le 14 mai 1948.

Abner et Marcelle quittent définitivement l’Algérie en 1959.

Installés au début à Paris, Abner Cherki passe le concours d’entrée à EDF-GDF où il fit carrière.

Abner et Marcelle avec 8 de leurs enfants dans les années 70.

Au gré des promotions et concours, ils déménagèrent a Nevers, Enghien-les-Bains, Nancy et enfin Pontoise où il prit sa retraite en tant que Chef du Personnel.

En 1989, ils accomplissent leur rêve en immigrant en Israël tout en continuant à vivre à l’heure français.

Ils eurent 9 enfants,

Abner et Marcelle en 2008 à Jérusalem.

36 petits enfants et plus de 60 arrières petits enfants.  Marcelle est aujourd’hui arrière, arrière grand mère.

Abner et Marcel en 2017 à Jerusalem.
Les 70 ans de mariage en 2018 d’Abner & Marcelle entourés de leurs petits et arrières petits enfants.

Il décède le 12 décembre 2020 à Jérusalem, une semaine avant son 96ème anniversaire.

Merci Monsieur CHERKI pour votre engagement au service de la France…nous ne vous oublierons pas!

Sa chère et tendre épouse Marcelle née Sourgne (1929-2024) rejoint pour l’éternité son « Loup coquet » mardi 7 mai 2024 et ils resteront à jamais dans nos coeurs.

Nous remercions chaleureusement : Noam Assouline avec qui nous avons écrit l’histoire de son grand-père et sa famille pour le partage des archives familiales – Monsieur Level Président de l’Amicale du 1er RCP – Guillaume Morelli et David Raffetin pour leur expertise et aide précieuse. sources : Famille ASSOULINE-CHERKI – archives nationales – internet – Musée de la résistance en ligne – historique de Robert Wagener.

en complément :

Le 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes (1er RCP). – Musée Mémorial des Combats de la Poche de Colmar (turckheim-alsace.com)

Poignard US M3 PAL (pour Pal Blade Co.) d’Abner CHERKI avec son fourreau personnalisé et où l’on retrouve son « totem » …Loupcoquet.

Au dos du fourreau est écrit : Loupcoquet – Abner Cherki – 1 RCP – 1943 – 1945 – Kouba.

Fernand GROSS 1922 –

Fernand Gross en tenue de saut modèle 1942 – colorisation klm127.

Né le 29 novembre 1922 à Strasbourg (67), il est l’ainé d’une fratrie de 6 frères et sœurs.

Jusqu’à l’âge de 6/7 ans et son entrée à l’école élémentaire il est élevé par sa marraine qui habite dans le palatinat en Allemagne.

De retour en France il entre à l’école des « Sœurs de la Providence » à Strasbourg.

Il intègre la maîtrise de la Cathédrale et de la Manécanterie (cours de chant et chorale).

Enfant doué il passe directement de la 8ème (CM1) à la 6ème (ne fait pas le CM2).

Par la suite il entre au collège épiscopal Saint-Etienne jusqu’en classe de 4ème et fait des études commerciales.

Durant toute sa jeunesse il fait parti de la chorale en tant que ténor puis soliste et pratique le scoutisme (chef d’équipe chez les Louveteaux puis premier de patrouille et pour finir responsable de patrouille scouts).

Atteint par une méningite qui perturbe quelque peu sa scolarité il rattrape aisément son « retard » et obtient avec succès son baccalauréat commercial à l’Ecole de Commerce de Strasbourg.

De son propre aveux « il a hérité de la sensibilité ainsi que du chant de sa mère et l’énergie & volonté de son père…d’où une âme de chef ».

En 1939 à 17 ans, lorsque la guerre est déclarée il est évacué avec sa famille à Montpon-sur-l’Isle en Dordogne (374 000 alsaciens de 181 communes, habitants le long du Rhin et de la frontière allemande sont évacués à partir du 1er septembre 1939 dans les départements du sud-ouest de la France).

Montpon-sur-l’Isle en Dordogne – source internet.

La famille de Fernand Gross s’installe à la campagne dans une ferme et fait du commerce de cochons.

Fernand voit une annonce et trouve du travail chez « la tannerie bordelaise et de la Gironde réunies » où il fait rapidement la preuve de son professionnalisme. Au départ du directeur adjoint on lui propose le poste.

Courant 1941 la famille décide de rentrer en Alsace (comme la majorité des expatriés alsaciens et mosellans en 1940-41) et lorsqu’il vient leur rendre visite il ne peut plus retourner en zone libre (les alsaciens étant considérés comme allemands de souche doivent rester en Alsace annexée).

Sa sœur Alice comme toutes les jeunes filles de son âge (née en 1927) doit effectuer un service civil obligatoire d’un an comme apprentie cuisinière dans un presbytère en Allemagne, elle n’a que 14 ans.

Comme la majorité des jeunes alsaciens de son âge, il est mobilisé en octobre 1941 mais au tribunal, devant la commission d’incorporation il refuse de signer comme 8 autres alsaciens ce jour là.  Il doit quand même se rendre au service obligatoire du travail avec préparation militaire (l’Arbeitdienst) à Monbauer près de Koblentz en Allemagne sous le matricule K6252 jusqu’en mars 1942. Ils sont 4 alsaciens et 16 allemands par baraquement dans le but de les endoctriner plus facilement. Fernand Gross ne se laisse pas influencer et a même le courage de leur expliquer qu’ils ne gagneront pas la guerre.

Fernand Gross, second en partant de la droite au Reicharbeitsdienst à Monbauer en Allemagne. – collection Fernand Gross.

Pendant ce temps à Strasbourg 10 de ses copains sont fusillés par les nazis pour avoir distribué des tracts anti-nazis ; la répression se fait de plus en plus dure et les exécutions ou déportations sont nombreuses.

Hôtital du Sacré Coeur à Dernbach en Allemagne – collection Fernand Gross.

Les conditions de vie et d’entrainement militaire durant l’Arbeitsdienst sont très difficiles. Fernand attrape une double pleurésie et une infection rénale. Un sous-officier bavarois lui « sauve la vie » en le faisant admettre à l’hôpital du Sacré Cœur de Dernbach début décembre où mieux soigné et bien aimé par le personnel médical il s’investit dans les décorations de noël. Remis sur pied il doit retourner au camp d’entrainement.7

Fernand au premier plan pendant son hospitalisation – collection Fernand Gross.

Un Colonel prussien qui avait découvert sa « rébellion » anti-allemande l’arrose d’un seau d’eau à la sortie des douches alors qu’il s’était rhabillé pour partir en permission. Il fait alors une nouvelle pleurésie et à l’autorisation de rester à Strasbourg pour se soigner , ce qui va lui permettre d’être libérer de ses obligations militaires plus tôt que prévu et bénéficier d’un report d’incorporation. Afin d’accélérer sa guérison il décide de se mettre à la natation (modérément).

Une fois guérit il s’inscrit aux beaux-arts de Strasbourg comme étudiant où il obtient un premier prix mais le jury pro allemand décide de donner la première place à un allemand de souche.

Mais la guerre le rattrape, le 25 août 1942 l’incorporation de force des alsaciens dans l’armée allemande est décrétée par le gauleiter Wagner.

 Il reçoit en octobre 1942 un ordre de mission avec une feuille de route lui demande de rejoindre une unité parachutiste allemande à Eger en Tchécoslovaquie. Avant le départ du train il ressort du côté opposé avec son meilleur ami Ferdinand et monte dans un autre en sachant qu’on ne remarquerait leur absence que 3 jours plus tard. A partir de là plus qu’un seul objectif : rejoindre les Force Françaises Libres en Afrique du Nord !

Il écrit un courrier à l’attention de ses parents et son parrain pour les informer de son intention de « déserter » et pour les protéger indique faussement leur sympathie pour les allemands afin de les dédouaner et éviter des représailles de la part des autorités allemandes. Ferdinand ne l’a pas fait…ses parents ont été arrêtés et déportés (ils ont eu la chance d’en revenir).

Avec Ferdinand ils se rendent en train à Nouvel—Avricourt (à la frontière entre l’Alsace et la Lorraine) où ils ont rendez-vous avec un passeur (via sa tante Mélanie et des connaissances). Pour être pris en charge par celui-ci ils doivent siffler un air défini à l’avance (« la victoire en chantant ») devant la gare. Au moment où le train entre en gare ils aperçoivent des soldats allemands sur le quai qui effectuent des contrôles : on les recherche ! Ils descendent rapidement du wagon dans lequel ils venaient de monter par les portes opposées au quai et se cache à proximité dans les bois. Des side-cars et des soldats avec des chiens longent la voie ferrée, les bois, sans les découvrir heureusement.

A la nuit tombée ils reviennent vers la gare pour retrouver le passeur, mais en traversant les nombreuses voies ferrées de la gare de triage ils se prennent les pieds dans des fils de fer où sont accroché des casseroles (placés par les allemands) et dont le vacarme alerte les sentinelles allemandes et leurs chiens. Fernand et Ferdinand ont juste le temps d’arracher 2 planches le long d’une palissade et de les remettre avant que les allemands et les chiens passent devant eux sans les voir…encore l’ange gardien de Fernand qui veille sur eux (il le dira souvent).

Enfin il retrouve leur passeur qui les emmène chez lui à 2 kilomètres où il avait préparé les tampons (qui étaient cachés dans son horloge) pour leur faire leurs premiers faux-papiers. Ils passent la nuit suivante dans un hôtel indiqué par le passeur et gardent la fenêtre de la chambre ouverte au cas où les allemands viendraient.

Le lendemain ils rejoignent avec le train Lunéville où ils vont rester une quinzaine de jours chez un oncle qui leur confirme qu’ils sont recherchés par les nazis. Ils vont à Nancy récupérer de nouveaux faux-papiers chez un ami gendarme, M. Henner (qui sera fusillé par la suite).

De Strasbourg à Bordeaux….

Ils gagnent alors Paris, puis un couvent à Marsais près de Tours où réside une de ses tantes « Sœur Claire », puis un second couvent à Barbezieux chez une autre sœur de la famille/ou chez un oncle qu’ils aident aux travaux agricole une huitaine de jours. Ils repartent en car jusqu’à Coutras(33) puis en train vers Montpon-sur-l’Isle en Dordogne où les loge la famille Gauchoux. L’ancien directeur de la tannerie, Monsieur Goux, lui donne l’équivalent de 3 à 4 mois de salaire afin de leur permettre l’évasion vers l’Espagne.

La suite du voyage se fait par autobus. Les allemands contrôlant les papiers de tous les voyageurs, Fernand prend l’initiative et tente crânement sa chance en présentant de lui-même leurs papiers au contrôleur allemand qui n’y « voit que du feu ». Ils arrivent à Bordeaux et sont pris en charge par la Croix Rouge puis se dirigent vers Bayonne où grâce aux indications de la Croix Rouge ils rejoignent un passeur et son groupe (2 aviateurs et une femme) pour se rendre à pieds vers la frontière espagnole.

Lorsque Fernand serre pour la première fois la main du passeur son instinct (« son ange gardien ») le pousse à se méfier et à le suspecter de ne pas être très honnête.

Pendant la marche, lors d’un arrêt le passeur leur demande d’attendre à cet endroit car il doit aller se changer pour ne pas être reconnu…Fernand le menace immédiatement : « …si tu ne reviens pas seul sache que j’ai une arme et que c’est sur toi que je vais tirer en premier ! ».

Le passeur revient très rapidement, sans s’être changé, ni accompagné mais avec des bouteilles de champagne…Fernand refuse d’en boire il ne lui fait pas confiance. Pour passer la frontière le passeur leur indique le premier pont à franchir avant de les abandonner à leur destin. Arrivé devant ce pont Fernand a de nouveau un drôle de pré-sentiment (aujourd’hui il est persuadé que c’est bien son ange gardien qui l’a protégé), décide de traverser au suivant, même impression et sentant le piège…ils traversent alors via le troisième pont qu’ils trouvent et où Fernand pense qu’il n’y a pas de danger. Au moment du franchissement des sirènes hurlent et des projecteurs s’allument au niveau des 2 premiers ponts : on les attendait, Fernand ne s’était pas trompé et grâce à lui le groupe arrive saint et sauf en Espagne. Nous sommes le 2 décembre 1943.

De Bordeaux à Casablanca.

Arrivés à Irun les douaniers espagnoles contrôlent leurs papiers (confisquent aussi toutes leurs affaires) et les considère comme des déserteurs vu leur âge (21 ans = obligations militaires) de Fernand et Ferdinand. Ils sont transférés à « Villa del Norte » et fait prisonniers. Ils vont y rencontrer la Croix rouge ainsi que les allemands qui heureusement ne se rendent pas compte qu’ils sont alsaciens. On leur fournit 20 pesetas par jour pour leurs besoins quotidien. Ils économisent tout ce qu’ils peuvent pour pouvoir jouer aux cartes et acheter du vin pour soudoyer le chef des gardiens pour pouvoir plus facilement préparer leur évasion. Ils vont parler de leur projet d’évasion à la Croix Rouge, qui leur demande de ne rien faire pour éviter toute représailles envers les autres prisonniers. Les voyant déterminés la Croix Rouge précipite et organise leur libération.

Fernand devant la statue de Don Quichotte à Madrid avec les 2 aviateurs canadien et australien ainsi que la femme qui composaient le groupe ayant franchi les Pyrénées ensemble – collection Fernand Gross.

Ils sont libérés le 5 janvier 1944 et prennent e train jusqu’à Madrid, puis un bus qui les emmène à Malaga où ils vont embarquer sur un bateau, le « Sidi Brahim » avec 1500 autres évadés de France à son bord (il y a un second bateau avec 1500 autres évadés le « Général Lépine » qui fera la même traversée) pour rejoindre Casablanca au Maroc. 

le « Sidi Brahim ».

Lors de la traversée les contre-torpilleurs français et anglais interviennent pour contrer des sous-marins allemands.

Comme prévu, en arrivant au Maroc (débarque le 6 janvier 1944) ils vont transmettre un message à la radio (BBC) pour rassurer leurs parents respectifs : « Zig et Puce sont bien arrivés ».

En Afrique du Nord il reçoit ses « vrais » faux-papiers au nom de Fernand GOUX (nom de son ancien directeur qui lui avait donné son accord lors de son dernier passage dans le sud-ouest).

Fernand s’engage dans l’aviation au dépôt parachutiste 209 de Blida en Algérie où il est immédiatement pris en compte dans les effectifs du 1er RCP.

Son grand ami Ferdinand ne pourra le suivre (problème cardiaque lors de sa visite médicale) et restera sur place en s’engageant comme interprète.

Son meilleur ami : Ferdinand Becker – collection Fernand Gross.

Après 3 mois d’entraînements intenses à Oudja il part en Sicile avec sa nouvelle unité le 31 mars 1944.

Douglas C-47 Skytrain – collection Fernand Gross.

Il obtient son brevet parachutiste numéro 1894 le 5 mai 1944. Un mois plus tard, Fernand est affecté à la 1ère compagnie du 1er RCP et intègre le peloton de radioguidage.

En Sicile il est formé à la méthode des « pathfinders » américains avec du matériel top secret : les émetteurs récepteurs PPN1 « Eurêka ».

Emetteur récepteur PPN1 « Eurêka ».

Les radios guides sont encadrés par des membres de l’OSS (futur C.I.A.) pour être formé à l’utilisation de ces balises au camp Kurz. Les parachutages et exercices se succèdent à un rythme effréné pour que les radioguides soient prêts à affronter toutes les situations.

Parachutistes à Trapani en Sicile – collection Fernand Gross.

Il rejoint avec le régiment Rome début juillet 1944.

Fernand suit ensuite les pérégrinations du régiment, la remontée vers Rome en train en juillet puis l’arrivée en France le 5 septembre 1944 où il atterrit sur l’aérodrome de Valence-Chabeuil dans la Drôme.

De Casablanca au Ménil…en avion, bateau, train, camion…

Le 15 septembre 1944 le 1er RCP est regroupé face à la « trouée de Belfort ».

Début octobre rattaché à la 1ère Division Blindée française le régiment reçoit son baptême du feu dans les Vosges.

Fernand Gross nous raconte :

« A cause des fortifications construites par les allemands autour de Belfort, nous devons contourner par les Vosges. De nombreuses attaques des unités allemandes se passent en hiver 44 dans le froid et la neige, et sont donc très difficiles : il s’agit de dormir dans un trou de neige et de se cacher sous un drap blanc le jour pour ne pas être vu des allemands. Un jour, alors que les tirs se rapprochent je préviens les autres « tout le monde à terre » juste avant qu’un obus n’éclate devant moi, tout le monde me croit mort…je suis juste légèrement blessé à l’œil ».

Plus tard, toujours dans les Vosges, Fernand se souvient d’un second épisode particulièrement étonnant :

« Marchant dans la forêt, je ressens sous mon pied un endroit du sol anormalement dur sur le chemin ; je ne bouge plus et me doute que j’ai marché sur une mine. Je relève machinalement ma tête et je vois en l’air une branche d’arbre cassée volontairement, signe qu’une mine a été placée à cet endroit par les allemands : je me souviens de suite de l’entrainement suivit à l’Arbeitsdienst et des « habitudes » enseignées par les instructeurs allemands pour marquer un endroit piégé. Ayant également suivi un stage de déminage en Sicile je connais très bien les différents modèles des mines allemandes. Je crie aux autres « éloignez-vous vite, je suis sur une mine »..dans la foulée de fais un bond désespéré de 3 mètres vers l’arbre le plus proche, la mine explose et miraculeusement je n’ai rien »

Comme beaucoup de parachutistes il est évacué sanitaire pour maladie ou pieds gelés pendant la campagne des Vosges puis lors des combats d’Alsace le 6 janvier 1945 en raison des conditions météorologiques et des combats acharnés.

Le régiment quitte l’Alsace pour rejoindre Bourges afin de reconstituer des réserves et permettre aux hommes de récupérer…Fernand n’a plus que 46 kilos (il en avait 70 au départ).

En Alsace – collection Fernand Gross.

Son frère Marcel, également incorporé de Force dans l’armée allemande sur le front russe, porté disparu un certain temps aura également la chance de rentrer chez lui après-guerre.

Quant à Fernand après s’être refait une santé, démobilisé par l’armée le 3 juillet 1945, il aide son père dans l’entreprise familiale de peinture en bâtiment. Par la suite il intègre la société Singer où il gravit les échelons un à un pour atteindre le poste de directeur de son secteur.

Il se marie avec Alice Daull à Schiltigheim le 18 juin 1949. 6 enfants viennent agrandir le cercle familial. Pour pallier aux fréquentes absences professionnelles de Fernand le couple décide d’ouvrir une boutique de mercerie et vêtements (puis 2 autres magasins).

Ils décident de s’installer à Gujan-Mestras, où Fernand construit une petite maison sur son propre modèle (breveté) et quittent Strasbourg en 1987-1988 pour profiter enfin d’une retraite bien méritée dans le bassin d’Arcachon. En 2009 ils fêtent ensemble leurs noces d’or.

Alice Gross, son épouse est décédée le 5 novembre 2018 à 91 ans.

Le 29 novembre 2022 Fernand à eu la joie de fêter son centenaire entouré de sa famille et de ses proches.

Il est nommé au grade de chevalier dans l’ordre national de la Légion d’Honneur en date du 8 novembre 2024.

Fernand Gross est titulaire de :

Chevalier de la Légion d’Honneur.

La médaille des évadés.

La Croix du combattant volontaire avec barrette « 39/45 ».

La médaille commémorative de la campagne d’Italie.

La médaille commémorative française de la guerre 1939/45 avec barrette « libération » et « engagé volontaire ».

Fernand Gross 1944 – 2024…

Marie-Madeleine LORENTZ 1940 –

Marie-Thérèse LORENTZ, 4 ans, décembre 1944.

Dans les ruines de sa maison, à Kientzheim(68), la petite Marie-Madeleine Lorentz, âgée de 4 ans est venue récupérer quelques uns de ses jouets, juste après la libération du village les 18-19 décembre 1944.

Ce moment fut immortalisé par « Miss » Thérèse Bonney(1894-1978), photographe et correspondante de guerre, qui couvre et suit l’avancée de l’armée américaine en première ligne.

« Miss » Thérèse Bonney(1894-1978).

Arrivée en Alsace avec la 7ème Armée US, puis rattachée à la Première armée française, le général de Lattre de Tassigny lui demande un reportage photos des villages sinistrés de la Poche de Colmar.

Touchée par le dénuement total des habitants en arrivant à Ammerschwir (village viticole détruit à 85%), et particulièrement le sort des enfants, elle met tout en œuvre pour aider la population locale grâce à son réseau.

Approvisionnement en nourriture, médicaments, biens de première nécessité, déminage des vignes, fourniture d’outils de travail avec également l’organisation d’une fête de Noël en 1945 pour les enfants.

Dans les ruines d’Ammerschwihr (68).

Elle revient en 1946, à Ammerschwihr pour continuer son action : offre des jeux aux enfants, des vêtements et organise l’arrivée de maisons préfabriquées en provenance des Etats-Unis pour loger les habitants (il faudra une quinzaine d’année pour reconstruire le village).

Avec les enfants du village après-guerre.

En 1947 en témoignage de reconnaissance pour son action en faveur des populations et villages dévastés alsaciens, citoyenne d’Honneur d’Ammerschwihr, elle est décorée et promue Officier de la Légion d’Honneur.

Sa vie : https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9r%C3%A8se_Bonney


Pour la petite anecdote notre « petite fille de Kientzheim » est venue durant l’été 2018  au Musée Mémorial pour faire découvrir à ses enfants et petits enfants ce qu’elle avait vécu les 4 premières années de sa vie.

Marie-Madeleine Scotte née Lorentz entourée par toute sa famille – photo famille Lorentz.
Marie-Madeleine SCOTTO née LORENTZ : 1944 – 2018

Sources : photo US NARA & internet – articles DNA – Miss Thérèse Bonney de Francis Lichtlé – wikipédia.

Robert DUCLOS 1918 – 2004

Robert Duclos au 3ème REI.

« Legio Patria Nostra »… »En pointe toujours »

Robert Lucien Roger DUCLOS est né le 26 août 1922 à LIEUREY dans l’ EURE.

Il s’engage volontairement pour une durée de 5 ans le 4 octobre 1941 dans la Légion Etrangère.

Insigne 3ème R.E.I.

Robert Duclos est affecté au 3ème Régiment Etranger d’Infanterie (3ème R.E.I.) qu’il rejoint le 28 décembre 1941 et avec lequel il va se battre en Afrique du nord. Il obtient sa première et deuxième citation (les 2 à l’ordre de la Division) avec ce Régiment pour son engagement au feu lors des combats du 22 janvier 1943 (BIT EL ARBI) et du début février 1943 : « jeune Légionnaire courageux, digne héritier de la vieille légion…encerclé a réussi à se frayer à la grenade un chemin jusqu’au PC… »

Le 28 juin 1943 il arrive à Staouéli, au Bataillon de Choc à la 3ème Compagnie.

Insigne du Bataillon de Choc.

Le 13 septembre 1943, il est l’un des premiers à débarquer en corse avec le sous-marin » « Casabianca » et participe aux combats de libération de l’île de beauté. Il y obtient sa 3ème citation (à l’ordre du Corps d’Armée).

Avec la section du Lieutenant Jacobsen fin décembre 1943 il participe à un raid sur Talamone en Italie avec pour objectif de reconnaitre le maquis et faire sauter une ligne de chemin de fer.

Les vedettes rapides qui transportent la dizaine d’hommes du bataillon de Choc « tombent » sur un patrouilleur allemand qui prend heureusement la fuite mais à cause du mauvais temps ils doivent faire demi-tour (le 22) et renonce à l’opération. Une nouvelle tentative a lieue le 28 décembre qui est cette fois-ci couronnée de succès. Le commando rentre sain et sauf à Batia le 29. Pour cette action il est cité à l’ordre du Corps d’Armée.

Le caporal Robert Duclos rejoint l’école des élèves-aspirants de Cherchell (Algérie)le 27 avril 1944.

Insigne 3ème RTA.

A sa sortie le 27 octobre 1944 il est nommé aspirant de réserve et rejoint le IIIème Bataillon du 3ème Régiment de Tirailleurs Algériens (3ème RTA) avec lequel il combattra en Alsace.

A sa demande, pendant la campagne d’Alsace il rejoint le Bataillon de Choc le 14 janvier 1945.

Il participe aux difficiles combats de libération de Jebsheim(68) et Durrenentzen(68) à la tête de la 1ère section de la 1ère compagnie. Pour son action il obtient sa 6ème citation (à l’ordre du Régiment) :

« Jeune Aspirant de valeur, chef de section plein d’allant et de courage, a fait preuve de ses qualités de chefs lors des opérations du 30 janvier au 2 février 1945. Lors des combats à Durrenentzen(68), s’est particulièrement distingué en prenant la tête de sa section, fonçant littéralement sur l’objectif ennemi et le prenant après un combat acharné ».

Après les combats de la poche de Colmar il participe à la campagne d’Allemagne (il est blessé légèrement le 16 avril 1945 par un éclat d’obus dans l’épaule) qu’il termine dans le Tyrol Autrichien avec l’ensemble du Bataillon de Choc.

1ère Cie 1ère Section Duclos – à droite l’adjudant François, sur le borne l’aspirant Duclos, second à gauche avec la sten le chasseur Varea – collection Famille Duclos.

Il est promu sous-Lieutenant d’active le 26 juin 1945.

Il quitte le Bataillon le 28 janvier 1946 pour rejoindre le 3ème Régiment Etranger d’Infanterie avec lequel il part en Indochine. Il est blessé le 8 avril 1948 et rentre en métropole fin novembre 1948. Pour son courage exceptionnel et son action à la tête de ses hommes il est promu Chevalier de la Légion d’Honneur avec attribution de la Croix de Guerre des T.O.E. avec palme en date du 20 mars 1948. Il poursuit sa carrière militaire (capitaine en 1951, chef de Bataillon en 1962) jusqu’à fin décembre 1966; date à laquelle il quitte l’armée d’active au grade de Commandant.

Il décède à l’âge de 82 ans le 21 mai 2004 à Roquefort la Bédoule (13) non loin de la maison-mère de la Légion Etrangère qui est à Aubagne depuis 1962.

Légionnaire un jour, Légionnaire toujours!

Nous remercions Henri Simorre, grand spécialiste du Bataillon de Choc pour les informations et photos mises à disposition pour la rédaction et l’illustration de ce portrait.

Si l’Histoire du bataillon de Choc vous intéresse : https://1erbataillondechoc.forumactif.com/

Frédéric KIENER dit « BEAULIEU » 1913 – 1994

Casque du lieutenant Kiener-Beaulieu avec l’insigne du 1er RCP et son grade de Lieutenant (2 barres horizontales) peints sur l’avant.

Paul Louis Frédéric Kiener naît le 12 janvier 1913.

Il est issu d’une vieille famille de Riquewihr (68) en plein vignoble alsacien.

Engagé par devancement d’appel le 18 octobre 1933, le jeune homme fait son service militaire au 27e Bataillon de Chasseurs Alpins (27ème BCA).

Alors qu’il est assistant technique chez Sandoz, il est mobilisé en 1939 et affecté à l’état major du 1er bataillon du 42e Régiment d’Infanterie de Forteresse (42ème RIF) à Marckolsheim(67) au bord du Rhin.

Il sert jusqu’à l’attaque allemande comme officier responsable des gaz de combat. Pris dans la tourmente de juin 1940, l’officier échappe de justesse à la capture. Il erre ensuite avec son état major sur les routes d’Alsace.

Lorsqu’ils contournent le village d’Elsenheim(67) dans le brouillard, ils sont repérés par les forces ennemis et ne doivent leur salut qu’a l’esprit de décision du sous-lieutenant Kiener qui couvre le repli de son chef de corps avec un fusil-mitrailleur FM 24/29 et arrive même à se replier sain et sauf. Sa parfaite compréhension de l’allemand lui a permis de comprendre l’ensemble des ordres donnés par l’ennemi en face de lui et de les devancer. Le sous-lieutenant Kiener se replie avec des unités disparates de l’armée française et est affectés à « La Défense des cols des Vosges ». Lors d’une attaque , il sert seul un canon de 75mm et arrive à retarder l’ennemi.

Sa première citation à l’ordre du Régiment en témoigne :

Fait prisonnier, il est emmené en Poméranie près de Neu-stettin (Pologne) en train.

Un premier retour en Alsace…

Après l’armistice franco-allemande l’Alsace et la Lorraine sont annexées au 3e Reich et leurs habitants sont considérés comme citoyens allemands de fait.

Les prisonniers alsaciens sont relâchés sur demande des autorités allemandes.

Le lieutenant Kiener bénéficie alors de cette curieuse « grâce » et retrouve son foyer le 27 novembre 1940!

A peine rentré chez lui, il est convoqué par l’administration allemande à Colmar où l’occupant a étudié ses états de service et lui propose de prendre le commandement des S.A. du parti nazi de Ribeauvillé(68)… Sa réponse négative sonne comme une condamnation pour lui et sa famille (sa fille ainé est née le 31 janvier 1941) . Dès lors, le temps est compté pour lui et il décide de rejoindre la zone libre en passant par la Suisse.

L’Afrique du Nord…

Son périple l’amène en Afrique du Nord où il est affecté au 6e Régiment de Tirailleurs Marocains à Casablanca. Promu lieutenant, il prend la tête du groupe d’accompagnement de l’état major constitué de 4 mortiers de 81 et 4 canons de 37mm de montagne.

Il est approché en 1942 par les services de contre-espionnage d’Afrique du Nord. Sa parfaite maitrise de l’allemand le rend indispensable.

Dans ses fonctions, il fait partie de « ceux du 8 novembre 1942» qui ont permis le débarquement allié en Afrique du Nord.

Son intervention auprès du général Martin qui dispose alors de 5000 hommes bien équipés et prêt à combattre est décisive….ces troupes françaises resteront l’arme au pied.

Après la libération de l’Afrique du Nord, le lieutenant Kiener est affecté le 1/12/1942 au 8e Régiment de Tirailleurs Marocains (8ème RTM) où il a le temps de se familiariser avec le tout nouvel armement américain…c’est un « inconditionnel » du mortier de 81mm qu’il affectionne particulièrement.

Le Lieutenant Kiener-Beaulieu portant le casque présenté devant vous.

Du 1er Bataillon de Chasseurs Parachutistes (1er BCP) au 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes (1er RCP)…

Il rejoint le 1er BCP à Fez au Maroc le 1 mai 1943 où il prend le nom d’emprunt de « Beaulieu » afin de préserver sa famille restée en France d’éventuelles représailles pouvant aller jusqu’à la déportation (les soldats alsaciens combattant avec l’armée française sont considérés comme des traitres par les nazis).

Il obtient le brevet de parachutiste n°1130 le 3 juin 1943 et prend le commandement du peloton de mortiers de 81mm de la 3e compagnie du nouveau régiment (le 1er BCP devient le 1er RCP le 1 juin 1943).

En Italie…

Le lieutenant Kiener suis le régiment en Sicile puis en Italie où ses hommes apprennent à l’apprécier et à se confier à lui comme des fils. Il sera à leurs côtés pendant la campagne des Vosges en octobre 1944.

Fanion de la Section Mortiers de la 3° Compagnie .
« C’est à PACHECCO que des Siciliennes ont brodé mon Fanion de Combat. Tissu en soie bleu ciel brodé de soie multicolore. Il représentait sur une face un bourricot dressé sur ses pattes arrières, chargé d’un mortier lourd et se lançant à la poursuite d’un allemand en fuite. Sur le coté droit de la route une borne kilométrique portant un point d’interrogation en rouge. Sur l’ autre face, un parachute et les armes de la ville de RIQUEWIR dans le Haut Rhin .
(trois bois de cerf surmontés d’une étoile )
Souvenirs du Lieutenant KIENER dit BEAULIEU de la 3° Compagnie

La campagne des Vosges du 2 au 22 octobre 1944…

Le 6 octobre avec sa meilleure équipe il détruit un canon allemand qui menaçait le repli du régiment au village du Ménil(88).

Le troisième coup de sa pièce tombe sur la réserve de munitions détruisant la pièce d’artillerie.

Le 8 octobre, particulièrement bien renseigné par un prisonnier allemand, il anéantit du premier coup un canon ennemi du feu de ses mortiers lors de l’attaque de Ramonchamp(88).

Il est cité à l’ordre du régiment :

Deuxième citation à l’ordre du Régiment.

Le 16 octobre, il accompagne ses hommes en pointe de l’assaut du col du Menil. Lorsque, aux porte de l’Alsace, le régiment reçoit l’ordre de se replier et c’est la mort dans l’âme qu’il enterre ses munitions.

La campagne des Vosges le laisse affaiblit et malade, cependant comme il l’écrit:

« Je sentais que la bataille pour la libération de l’Alsace approchait et pour rien au monde je n’aurais accepté de ne pas y participer après trois ans d’absence des miens et de mon Riquewihr natal ».

La campagne d’Alsace…

Le lieutenant se remet sur pied et rentre enfin en Alsace début décembre 1944.

Le 14 décembre, le lieutenant Kiener dit « Beaulieu » est blessé 2 fois(« aux deux cuisses) en 5 minutes au bois du Mayholz(67).

Un éclat d’obus est passé très près de l’artère fémorale et malgré un traitement de choc a la pénicilline, la plaie s’infecte. Il doit être opéré.

Pour cette action obtient une troisième citation : citation à l’ordre de la Division :

Troisième et dernière citation obtenue par le Lieutenant Kiener.

« Magnifique officier plein de courage et de sang-froid. Chef d’un peloton de mortiers, a toujours su obtenir de ses hommes le maximum de rendement. A été blessé le 14/12/1944, dans le Mayholz alors qu’il progressait avec son unité sous un violent bombardement d’artillerie ».

Il passe Noël 1944 en convalescence à Riquewihr qui a été libéré le 5 décembre 1944 par les troupes américaines. Il y retrouve sa famille saine et sauve ( malheureusement son père est décédé de maladie pendant sa longue absence).

Sa blessure à l’aine est mal placée pour continuer le saut en parachute, il s’oriente vers les Services de renseignements (BCRA) de la 1ere armée où il devient officier formateur des agents français jusqu’à la fin de la guerre.

De retour à la vie civile et revenu à Riquewihr , il reprend le cours de sa vie d’ avant guerre et devient chef de secteur chez Sandoz et viticulteur. Il a deux filles et 2 garçons.

Il décède le 20 avril 1994 à Saverne ( 67).

Ses décorations :

Chevalier de la Légion d’Honneur,

Croix de Guerre 1939 -1945 avec 3 citations.

Médaille de la France Libérée.

Rédacteur et infographie du fanion : Guillaume Morelli – sources fonds documentaire du 1er RCP et mémoire du Lieutenant Kiener.

On vous conseille la page créée par Guillaume grand spécialiste du 1er RCP : « Histoires de Rapaces » https://www.facebook.com/profile.php?id=100070467480353

Gebirgs-Jäger-Regiment 136 de la 2.Gebirgs-Division.

Gebirgsjäger (chasseurs alpins) du Gebirgs-Jäger-Regiment 136 de la 2.Gebirgs-Division.

Gebirgsjäger(Chasseur de montagne) du Gebirgs-Jäger-Regiment 136 de la 2.Gebirgs-Division.

Groupe de combat s.MG (Mitrailleuse lourde) équipé d’une mitrailleuse MG42 montée sur trépied « Lafette 42 »

MG42 montée sur trépied « Lafette 42 avec ses caisses et bandes à munition(7.92mm Mauser), canons de rechange en position de tir. La MG42 à une cadence de tir de 1200 coups/minute soit 20 balles tirées chaque seconde.

Engagé dans le secteur de Jebsheim(68) à partir du 25 janvier 1945, ce régiment d’élite fût quasiment anéanti lors de la libération du village par les troupes franco-américaines après 3 jours et 3 nuits de combats acharnés, au corps à corps, maison par maison, sous un déluge d’artillerie.

Gebirgsjägers faits prisonniers et ramenés à l’arrière du front après la libération de Jebsheim – ecpa.

Les survivants de cette unité combattront encore dans les environs, à Grussenheim(68) et Durrenentzen(68) lors du repli progressif  vers le sud de l’Alsace.

Le Régiment 136 quitte définitivement la Poche de Colmar, le 7 février 1945, en traversant le pont de Chalampé(68), sur le Rhin.

NB : Par la suite, le régiment 136 sera engagé brièvement dans le secteur de Bitche(57) et en Rhénanie-Palatinat(Allemagne).

La 2.Gebirgs-Division prit part à la Campagne de Pologne et de  Norvège en 1940. A partir de 1941, elle fût déployée à proximité du Cercle polaire (Frontière Finno-Soviétique) où elle choisi comme insigne divisionnaire : La tête de Renne.

Insigne de la 2.Gebirgs-Division représentant un renne.

Le Musée Mémorial des Combats de la Poche de Colmar et l’association Alsacemilitaria ont choisi de s’associer dans la cadre d’un partenariat culturel et historique.

Cette initiative vise à partager nos connaissances historiques, de bénéficier d un soutien logistique commun,  de participer conjointement à la restauration d’artefacts  et  matériels exposés au musée.

L’objectif est  de développer des démarches communes dans le cadre de  la création de vitrines thématiques ou l’organisation d’évènements historiques.

Alsacemilitaria

Nous sommes une association de recherches et d’expérimentations historiques crée en 2008 par plusieurs  passionnés d’histoire afin de confronter la théorie à la pratique.

Notre projet a pour but de partager au plus grand nombre, de manière interactive et créative, la vie au quotidien d’un chasseur de montagne allemand pendant la Seconde Guerre mondiale. (Gebirgsjäger),  avec un focus sur  l’incorporation de force des Alsaciens et Mosellans dans le Gebirgs-Jäger-Regiment 136 (de 1942 à 1945, 2.Gebirgs-Division) où ils furent nombreux.

Le port de l’uniforme allemand  est seulement l’un des vecteurs (sans vouloir faire l’apologie du nazisme) qui nous permet d’évoquer le drame de l’incorporation de force de nos aïeuls.

Lun des objectifs de l’association est de sensibiliser le public sur le drame de l’incorporation de force des « Malgrés-nous »   lors d’événements culturels.

Découvrez nos actions et recherches  :

https://alsacemilitaria.weebly.com

https://www.facebook.com/Alsacemilitaria

Gérard FOELLNER 1942 –

Gérard et sa cousine en costume d’alsacienne pour elle et en uniforme de Commandant pour lui.

Un bon vieux compagnon …

En 1945 Gérard Foellner né le 29 septembre 1942 a deux ans et demi et habite route d’Ingersheim, à Colmar (68).

Trop jeune pour se remémorer la Libération, il a tout de même pu conserver un souvenir matériel de cette époque : un petit uniforme militaire cousu par sa tante.

Gérard Foellner en 2020 lors de la remise de son uniforme au Musée Mémorial.

Il a décidé, 75 ans plus tard, d’en faire cadeau au musée mémorial des Combats de la Poche de Colmar, contribuant ainsi à l’important devoir de Mémoire et de transmission.

Le jour de la Libération de Colmar le 4 février 1945, Gérard a assisté au défilé des troupes françaises et américaines en compagnie de sa mère et de sa tante.

« On m’avait appris à saluer pour l’occasion », se souvient-il. Le petit garçon est habillé de son uniforme, confectionné pour l’occasion à partir de la vareuse d’un soldat américain.

C’est pendant qu’il effectue un petit salut militaire qu’un soldat français sort du rang et vient accrocher une de ses médaille à son costume.

Croix de Guerre 1939 -145 avec étoile de bronze.

Un épisode amusant qui retranscrit bien la liesse des festivités de la Libération. « Et regardez, je n’étais pas n’importe qui ! », rigole-t-il en désignant ses galons de commandant.

NB : Georges Foellner son papa, né en 1920 à Colmar a été contraint au travail obligatoire par les naziss, pendant trois mois, en octobre 1942. Il est par la suite incorporé de force dans la Wehrmacht et se retrouve à Nichlausburg, près de Vienne (Autriche). Envoyé sur leu front russe, il rejoint Presnitov, près de la frontière polonaise. Blessé par des éclats d’obus, en octobre 1943, hospitalisé pendant quelques mois et après une convalescence de quinze jours, il rejoint à nouveau Nichlausburg, puis l’Italie, en janvier 1944, où il participe aux durs combats de Monte Casino. Se constituant prisonnier auprès des Américains, M. Foellner s’engage volontairement dans la Première Armée française. Avec qui il part de Naples, direction Marseille, pour arriver finalement à Strasbourg d’où il est démobilisé, en mai 1945.

Le 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes (1er RCP).

Insigne du 1er RCP.

« LA VICTOIRE OU LA MORT »

En janvier 1943 la Compagnie de l’Air n°1 créée en juillet 1941 par le Capitaine Sauvagnac avec les anciens des 601ème et 602ème Groupes de l’Infanterie de l’Air (601 & 602ème GIA) quitte Alger pour s’installer à Fez au Maroc.

Le 1er février 1943 la Compagnie de l’Air n°1 devient le 1er bataillon de Chasseurs Parachutistes (1er BCP). Les jeunes volontaires rejoignent en nombre l’unité après pour beaucoup, avoir traversé la France occupée, être passés par les geôles espagnoles pour rejoindre l’Afrique du nord.

Fort de 700 brevetés parachutistes au 1 mai 1943, les effectifs permettent à présent de créer un 2ème bataillon qui va donner naissance au 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes (1 RCP) après la dissolution du 1er BCP le 3 mai 1943.

Le 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes est officiellement créé le 1er juin 1943.

Le colonel Geille « créateur » des parachutistes français prend le commandement du régiment avec comme second le commandant Faure.

source « Fred Geille 1 parachutiste militaire français et le 1er RCP Atlante éditions ».

Régiment d’élite, les nouveaux arrivés doivent suivre une formation parachutiste et un entraînement militaire très exigeants.

En octobre 1943 le 1er RCP quitte Fez pour s’installer à Oudja et suivre le stage de formation aux techniques aéroportées américaines à l’Airborne Training Center (ATC) de la célèbre 82nd US Airborne Division.

Embarquement dans un C-47 américain sur la base des Anglades près d’Oudja au Maroc. Les hommes utilisent des parachutes us modèle T4 et T5 à ouverture automatique – source : livre « le 1er RCP tome 1 de Georges Fleury ».

Pour être breveté parachutiste il faut effectuer 6 sauts.

Collection famille Triay.

En décembre 1943 le 1er RCP rejoint Alger après un entrainement intensif suivi pas ses hommes (équipés par les américains avec du matériel moderne) et qui en fait l’un des meilleurs régiments français de cette époque…si ce n’est le meilleur.

Du 31 mars au 7 avril 1944 le régiment arrive près de Trapani en Sicile. Pour la prise de l’île d’Elbe en juin 1944, il est prévu de parachuter le 1er RCP afin de préparer le débarquement des 12 000 soldats français mais suite aux réticences des aviateurs américains en raison de la forte défense anti-aérienne allemande, cette mission de parachutage est annulée.

Un groupe de chasseurs parachutistes du 1er RCP sur la place Garibaldi à Trapani en Sicile (1944) – collection famille Triay.

Début juillet 1944 le régiment rejoint Rome où il est reçu (dans sa totalité) par le pape Pie XII au Vatican lors d’une audience privée.

La garde au Drapeau du 1er RCP entrant dans l’église Saint-Louis-des-français à Rome. Le Drapeau est porté par le Lt Briot entouré par Raymond Métivier et le Sergent Barbaize, tous de la 3ème compagnie. source : livre « le 1er RCP tome 1 de Georges Fleury ».

Le 15 août 1944 avant le levé du jour, environ 7000 parachutistes américains, anglais avec quelques français (dont des hommes du 1er RCP) décollent d’Italie et participent au largage de la Force Rugby sur la Provence lors de l’opération  Dragoon (débarquement de Provence).

Le 4 septembre 1944 le 1er RCP quitte Rome par voie aérienne pour atterrir à Valence dans la Drôme…les parachustistes français mettent à nouveau le pied sur le territoire métropolitain après plusieurs années d’absence pour nombreux d’entre eux.

Le 15 septembre 1944 il est regroupé face à la trouée de Belfort afin d’être largué sur le secteur de Thann – Cernay (68) pour favoriser une percée du 2ème Corps d’Armée (2ème CA) de la 1ère Armée Française pour libérer l’Alsace. La progression étant plus lente que prévue face à la résistance allemande cette mission de parachutage est également annulée. Impatient de participer à la libération du territoire national le Colonel Geille demande aux autorités militaires à combattre au plus vite… le 1er RCP est alors mis à la disposition du 2ème CA de la 1ère Division Blindée…c’est la campagne des Vosges qui commence.

carte extraite du livre « 1 RCP – témoignages pour l’Histoire »

La percée des hommes du 1er RCP à travers le dispositif allemand dans le massif des Vosges résonne des noms des lieux ( Ferdrupt – col du Morbieu – forêt du Gehan, tête du Midi – le ménil – côte 1008 – col du Ménil – côte 1111 ) où ils vont se battre héroïquement dans des conditions matériel, climatique très difficiles et face à un adversaire en surnombre du 2 au 22 octobre 1944 au prix de lourdes pertes : 129 tués et 339 blessés.

Devant les pertes subies par l’ensemble de la 1ère Armée dans les Vosges le général de Lattre décide d’abandonner l’offensive dans ce secteur pour accentuer ses efforts dans la trouée de Belfort qui permettra de libérer Mulhouse le 21 novembre 1944.

Dans ses mémoires le général de Lattre écrit en conclusion de la bataille des Vosges : « …si le 2ème CA ne trouva pas dans les Vosges la récompense de son acharnement, et s’il n’eut pas la joie méritée d’entrer le premier en Alsace, c’est à lui pourtant que l’Alsace doit en partie sa délivrance. En anéantissant une division ennemie, en attirant dans la montagne 6 bataillons venus de la trouée de Belfort, 4 prélevés sur le front du 6ème corps US, 7 amenés d’Allemagne et 1 rapatriée de Norvège en concentrant sur lui toute l’attention et la majeure partie des moyens de l’allemand il a durablement pris à son compte la préparation de la Victoire ».

Le 28 novembre 1944 le colonel Geille quitte le 1er RCP pour rejoindre l’Etat-Major de l’Air et c’est son adjoint le commandant FAURE qui prend le commandement du Régiment.

Jacques Faure, campagne d’Alsace – source 1 RCP.

Après un repos bien mérité dans la région de Lons-le-Saunier et avoir été recomplété en partie par le Bataillon Hémon constitué de jeunes engagés de la région parisienne (après la libération de Paris) le régiment est dirigé sur l’Alsace le 7 décembre 1944.

Le 1er RCP commence la campagne d’Alsace en étant rattaché à la 2ème Division Blindée (2ème DB) du général Leclerc qui doit fixer les troupes allemandes le long du Rhin en lançant des attaques en partant de Gerstheim (25 kms au sud de Strasbourg) vers Colmar pour permettre à la 36ème Division d’Infanterie US (36th IDUS) de déborder Colmar par le nord-est.

Du 13 au 22 décembre 1944 le 1er RCP combat à Witternheim(67), Neunkirch(67), Bindernheim(67), les bois de Mayhols, Friesenheim(67)…sous un déluge de feu et d’acier.

Carte extraite de l’historique du 1er RCP de Robert Wagener.

Pour donner une idée de l’intensité des combats le 1er bataillon du 1er RCP perd plus de 200 hommes (tués ou blessés) en seulement 3 jours dont 10 officiers et 43 sous-officiers.

Le 23 décembre au soir le 1er RCP est mis au repos à Plombières pour une courte durée car dès le 28 le régiment est à nouveau mis en alerte et acheminé dès le 30 à Hachimette (au nord-ouest de Colmar) en franchissant le col du Bonhomme alors qu’il y a 50 cm de neige au sol. Le nouvel an est célébré à coups de canons et de mitrailleuses. Du 1er au 8 janvier 1945 le régiment est dans le secteur d’Orbey(68) puis durant 2 semaines il occupe les cols du Bonhomme et de la Schlucht où embuscades et patrouilles sont le quotidien des parachutistes.

Photo de groupe du peloton de reconnaissance du 1er RCP, composé d’aspirants et commandé par le lieutenant Nerisson (avec la pipe), prise certainement entre le 30/12/1944 et le 07/01/1945, période durant laquelle le Régiment était engagé sur le secteur de Orbey – Lapoutroie – Hachimette.
A noter que Certains paras portent la tenue de saut US M42 … alors que d’autres portent la tenue de montagne avec parka col en fourrure et pantalon de ski, chaussures et guêtres de montagne. C’est la seule unité à avoir touché cette tenue de montagne très appréciée en cette période de grand froid dans la Poche de Colmar -.photo 1 RCP.

Suite à la contre-offensive allemande sur Strasbourg le 2ème Bataillon du 1er RCP est dépêché en urgence à Benfeld le 9 janvier 1945 où il combat à Herbsheim(67) et Rossfeld(67).

Carte extraite de l’historique du 1er RCP de Robert Wagener.

Le 15 janvier 1945 le 1er RCP est mis à la disposition du Combat Command 6 de la 5ème Division Blindée du général de Vernejoul et va participer aux terribles combats de Jebsheim du 25 au 30 janvier(76 tués et 167 blessés), de Widensolen du 31 janvier au 1 février 1945(15 tués et 45 blessés) par des températures polaires de moins 20 degrés faisant face aux redoutables chasseurs alpins du Gebirgs-Jäger-Regiment 136 de la 2.Gebirgs-Division, unité d’élite de l’armée allemande.

carte extraite du livre « 1 RCP – témoignages pour l’Histoire »

Le général de Lattre écrira au sujet des combats de Jebsheim : « ..rien ne donne une idée de ce qu’est alors ce malheureux village. 500 cadavres allemands en transforment les rues en un véritable charnier. Nous mêmes y avons eu 300 hommes hors de combat et les américains au moins autant. Mais nous y avons fait 750 prisonniers et le 254ème RIUS plus de 300. JEBSHEIM est bien le symbole de la fraternité Franco-Américaine…il est aussi le symbole de l’héroïsme dépensé pour enfoncer le front allemand.. ».

Soldats allemands tués pendant les combats de Jebsheim – ecpa.

Colmar sera libérée le 2 février 1945 suite à ces combats victorieux dont le 1er RCP aura pris une glorieuse part.

Défilé du 1er RCP avenue de la République à Colmar le 10 février 1945.

Le 11 février 1945 au soir alors que la majorité des parachutistes du 1er RCP fête la Libération de la poche de Colmar en ville, une bombe à retardement allemande cachée dans la caserne Lacarre explose vers 23h tuant 5 hommes supplémentaires, en blesse 15 autres et détruit la quasi totalité des archives du régiment.

La campagne d’Alsace se solde par 176 tués et 512 blessés soit 60% de ses effectifs.

Durant les campagnes des Vosges et d’Alsace le 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes paye un lourd tribut mais qui n’a d’égal que l’importance des actions qui lui furent confiées. Le haut commandement ne lui confiait que des missions difficiles dont la réussite ne pouvait être que l’expression de sa valeur.

1156 hommes tués ou blessés à qui nous seront toujours reconnaissants pour leur engagement et leur sacrifice au service de la France.

Tombes du 1er RCP au cimetière de Bergheim (68) – ecpa.

Le drapeau du 1er RCP porte dans ses plis les inscriptions des noms de VOSGES 1944 et COLMAR 1945.

Ses 2 citations :

Pour ses faits d’armes lors de la campagne des Vosges le régiment est cité :

Sur la proposition du ministre de l’Air,

Le général de Gaulle, président du gouvernement provisoire de la République Française, chef des armées, cite à l’ordre de l’armée aérienne

Le 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes

« Magnifique régiment l’âme jeune et ardente, capable de toutes les audaces et de tous les efforts.

Sous le commandement du Colonel Geille, remarquablement secondé par le commandant Faure, vient de prouver, pendant quinze jours ininterrompus de combats pour la conquête des cols des Vosges, à la fois son habileté manœuvrière et sa volonté de vaincre.

Le 4 octobre 1944, s’infiltrant en pleine forêt à travers le dispositif de l’ennemi, il s’empare du col du Morbieu, capturant une batterie d’artillerie de 150, et de nombreux prisonniers.

Le 5, par une manœuvre osée, il enlève la crête de la forêt de Géhant, l’occupant à lui seul pendant douze jours, harcelant l’ennemi et le tenant en respect par des raids et des coups de main, au cours desquels il détruit deux chars allemands.

Du 16 au 18, franchissant de vive force le col du Ménil, il s’empare du mont de Rouge Gazon mettant l’ennemi en déroute, capturant des PC et un important butin. Unité forçant l’admiration. »

Cette citation comporte l’attribution de la Croix de Guerre 1939-1945 avec Palme.

Pour ses faits d’armes lors de la campagne d’Alsace le régiment est cité :

Sur la proposition du ministre de l’Air,

Le général de Gaulle, président du gouvernement provisoire de la République Française, chef des armées, cite à l’ordre de l’armée aérienne

Le 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes

« Magnifique régiment qui sous les ordres du Lieutenant-Colonel Faure n’a cessé de faire preuve, au cours des durs combats auxquels il a pris part, des plus brillantes qualités de courage, d’allant et de ténacité.

Le 15 décembre 1944 a pris Witternheim et Neunkirch, repoussant le 15 une dure contre-attaque.

Le 10 janvier 1945, par une action sur Herbsheim et Rossfeld a permis la relève des unités encerclées, faisant de nombreux prisonniers dont plusieurs officiers.

Puis en liaison intime avec les blindés de la 5ème DB a participé les 28 et 29 janvier 1945 à la prise de Jebsheim où, après deux jours de combats incessants allant jusqu’au corps à corps, il réussit à s’emparer du village dont la possession était capitale pour la suite des opérations, et le 1er février 1945 a enlevé d’un seul bond Widensolen, élargissant ensuite la zone conquise par une succession d’opérations heureuses.

Unité d’élite au moral élevé, qui sait toujours imposer sa volonté à l’ennemi en toutes circonstances. »

Cette citation comporte l’attribution de la Croix de Guerre 1939-1945 avec Palme

Michel Philippe BROSSOLET 1923 – 1972

Hommage à Michel Brossolet, Chasseur Parachutiste de la 6ème Compagnie du 1er RCP…un Brave parmi les Braves!

« Jeune chasseur au courage tranquille. Le 16 octobre 1944 à l’attaque du Col du Ménil a fait preuve de belles qualités de sang-froid et de détermination pendant le nettoyage d’une résistance ennemie. »
Extrait de l’ordre général n°1, le Lieutenant-Colonel Faure, Commandant le 1er RCP citant à l’ordre du Régiment Michel Brossolet avec attribution de la Croix de Guerre 1939 – 1945 avec étoile de bronze, le 6 février 1945.

« Jeune chasseur d’élite plein d’allant, remarquable par son grand courage tranquille et sa ténacité. Le 6 octobre 1944 a son baptème du feu au combat du bois de Grettery(88), se fait remarquer par sa désinvolture et sa belle crânerie sous le feu particulièrement meurtrier de tireurs d’élite ennemis. Le 16 octobre 1944, lors de l’attaque du Col du Menil(88), participa efficacement à la réduction de résistances. En ces circonstances, contre un ennemi qui se fait tuer sur place, a fait preuve des plus belles qualités militaires par son esprit combatif et son mépris absolu du danger. Le 14 décembre 1944 lors de l’attaque du village de Bindernheim(67), effectua plusieurs missions de liaison particulièrement dangereuses à travers une zone battue par l’artillerie et des armes automatiques ennemies. Son peloton se repliant reste volontairement seul avec les blessés sous le feu intense de l’artillerie. Malgré le bombardement qui continue, se porta plus tard volontaire à plusieurs reprises pour aller chercher des blessés et le corps d’un officier. Le 15 décembre 1944, au nord de Neunkirch(67), lors d’une patrouille de liaison, est grièvement blessé par l’explosion d’une mine »
Citation du 14 juin 1946, avec attribution de la Médaille Militaire et de la Croix de Guerre 1939-1945 avec palme.

Michel Brossolet est né le 3 janvier 1923 à Paris, évadé de France le 26 septembre 1943 dans le but de rallier directement l’Afrique du nord.

Affecté dans l’Armée de l’air le 5 janvier 1944 à la base aérienne de Blida en Algérie, jusqu’au 20 mars 1944.

Campagne d’Italie du 1 avril au 3 septembre 1944 : Il est breveté en Sicile le 1 mai 1944 – brevet 1870.

Campagne de France du 5 septembre au 15 décembre 1944 date de sa blessure de guerre suite à l’explosion d’une mine (amputation jambe droite) en Alsace à Neunkirch(67).

secteur de Neunkirch (67).

Démobilisé le 12 septembre 1945 avec un pourcentage d’invalidité de 95%.

Photo prise à l’hôpital Percy de paris avec l’infirmière qui s’occupait de lui. photo famille Brossolet.

Promu au grade de Chevalier de la Légion d’honneur par décret du 25 février 1966.

Il est décédé le 22 janvier 1972 à Paris.

Photo prise le jour de sa sortie de l’hôpital avec sa « jambe de bois » – photo famille Brossolet.

En complément le témoignage d’août 2020 de Lucien Alcat, 97 ans, à ce sujet : « Le jour où Michel Brossolet a été blessé au col du Menil (88) en octobre 1944, j’y étais comme brancardier. Je ne me souviens plus des noms des gars que nous avions brancardés. L’infirmier et copain Pierre Berceaux qui était a environ 4 mètres de moi sera amputé. J’étais allé vers l’aspirant Hoarrau qui avait reçu des éclats d’obus aux poumons, freinés par son sac en duvet qu’il avait sur le dos. Un gars blessé voulait que je prenne sa mitrailleuse, pas possible je l’avais signalée a un autre. Je me souviens encore de ce jour la forêt était enfumée. Je croyais être le seul survivant. « 

Nous remercions chaleureusement sa famille pour les photos transmises et les traditions du 1er RCP pour leur aide précieuse, en particulier le Capitaine DR.

Photos : famille Brossolet/mmcpc

documents CAPM et extrait des combats du 13 au 19 décembre 1944 d’après l’historique du 1er RCP de Robert Wagener.

Citation du 6 février 1945.
citation du 14 juin 1946.

Le récit des combats du secteur de Neunkirch en décembre 1944…

Louis André HANS 1919 – 1944

En mémoire du Sergent-Chef pilote André louis HANS du GC3/3 Ardennes, MORT POUR LA FRANCE le 2 décembre 1944 au commande de son P47 Thunderbolt type D-28-RE serial number 44-20026.

André Louis est né le 25/08/1919 à Nomexy dans les Vosges (88).

Il s’engage dans les Forces Aériennes de la France Libre (FAFL) en Syrie en juillet 1943.

Le 2 décembre 1944 il décolle du terrain Y-5 Ambérieu-en-Bugey (01) avec 7 de ses frères d’armes du Groupe de Chasse GC 3/3 Ardennes pour une mission initiale de bombardement et straffing (attaque au sol) en Allemagne.

insigne du GC 3/3.

Extraits du journal de Marche du GC 3/3 Ardennes :

« vers 17h un laconique coup de téléphone de la mission du Capitaine Gruyelle, nous apprend que 2 équipiers ne sont pas rentrés : ROMBI qui atteint par la Flak a pu regagner nos lignes et HANS qui semble avoir percuté… »
« …en ce qui concerne ROMBI et HANS, il semble que le premier ait pu faire un « crash-landing » du côté de Mulhouse, mais que le second ait percuté (il avait encore une bombe accrochée sous une aile). Mais sait-on jamais? »

extrait du livre de Daniel DECOT « pilotes français sur l’Alsace et l’Allemagne » :
« …c’est au cours d’une attaque près de Bantzenheim(68), vers 15h30, que le groupe Ardennes va perdre deux des siens .
Blessés mortellement en larguant ses bombes sur l’objectif(bombardement et straffing) solidement défendu, le Sergent-Chef HANS perd le contrôle de son appareil. Celui-ci rebondit à plusieurs reprises dans un champs à la sortie nord-ouest de Bantzenheim. Le moteur de son P47 se détache et achève sa course contre un arbre à plus de cent mètres.

En 1945, le Lieutenant MORET retrouva son corps près des débris de son appareil. Une pâle d’hélice marquait sa tombe. Toute l’escadrille le conduira à sa dernière demeure à Nomexy(88), près d’Epinal d’où il était originaire ».

Arrivé au groupe en octobre 1944, il s’était fait aussitôt remarquer par sa volonté de combattre et son audace réfléchie.

Le 2 décembre 1944 il effectuait sa 5ème et dernière mission de guerre. Il avait 25 ans.

NB : Son frère René Fernand HANS né le 18/11/1926 à Nomexy (88) est également Mort pour la France le 25/04/1945 à Saintes (17) il était engagé au sein du 123ème BMI.

source photo portrait : internet
textes : journal de Marche du GC 3/3 Ardennes et livre de Daniel DECOT « pilotes français sur l’Alsace et l’Allemagne »
profils P47 : Wingmasters n°3