Pierre Marie MORINAUX 1920 – 1945

Pierre est né le 7 février 1920 à Berric dans le Morbihan.
Il est Issu d’une famille nombreuse composée de 10 enfants dont le père est tailleur de pierre.

Avant guerre il se forme au métier de menuisier.
Il est déclaré inapte pour l’infanterie et est affecté au Bataillon de l’Air n°109 à Tours, où il arrive le 8 juin 1940 en tant que soldat de 2ème classe.

Suite à la capitulation de la France, il est démobilisé le 22 juin 1940 et remis au camp de jeunesse(CJ) n°31 « Guynemer » à ARUDY(64), basé sur le plateau du Benou dans la vallée d’ Ossau dans les Pyrénées le 1 août 1940.

Le 25 août 1940 il est affecté au chantier de jeunesse d’Issoudun dans l’Indre et il est rayé définitivement des contrôles de l’armée le 1 octobre 1940.
Avec son frère Adrien, il franchit la ligne de démarcation et rejoint la zone libre ( nous n’avons pas d’autre information à ce sujet).
Le 23 janvier 1941 il embarque avec son frère Adrien à Marseille et débarque à Casablanca (Maroc) le 4 février 1941.

Le 1 mars 1941, il se réengage (avec son frère Adrien qui fête ses 20 ans ce jour-là) pour 3 ans à l’intendance Militaire de Rabat au Maroc au titre du 1er Régiment de Chasseurs d’Afrique (1 RCA).

Son engagement est à effet rétroactif au 1er janvier 1941.

Il passe la frontière algéro-marocaine à Oujda.

Il est nommé Brigadier par ordre n°52 du 4 avril 1942 à compter du 1 avril 1942.
Nommé Brigadier-chef par ordre n°72 du 8 juillet 1943.
Pierre Morinaux rejoint le 1er Cuirassier (par dédoublement du 1er RCA) en septembre 1943.

Il est nommé Maréchal-des-logis (Sergent) par ordre n°14 du mars 1944 à compter du 1 mars 1944.
Il « retrouve » son frère Adrien en février 1944 à Rabat au Maroc.
Il suit un entraînement intensif avec son unité afin de maîtriser parfaitement les chars Sherman livré par les Etats-Unis.
Début avril 1944, une commission américaine ainsi que le Général de Gaulle en personne inspectent son unité afin de valider son aptitude au combat.

Les hommes du 1er Cuir embarquent avec leur matériel à bords des LST(Landing Ship Tank) le 13 septembre 1944 à Oran (Algérie) et débarquent sur les côtes de Provence a St Raphael les 19-20 et 21 septembre 1944.
Le 1er Cuir est un Régiment de cavalerie de la 5ème Division Blindée qui est commandée par le Général de Vernejoul.
Dans le cadre de la campagne de libération du territoire national, Pierre va combattre au sein du 2ème Escadron – 2ème peloton du 1er Régiment de Cuirassiers (1er Cuir) qui est rattaché au Combat Command 4 (C.C.4) du Colonel Schlesser.

Pierre Morinaux est le chef du char Sherman M4A4 « LYNX » dont l’équipage se compose des membres suivants :
Chef de Char : Maréchal des Logis MORINAUX
Tireur : Brigadier-Chef HELMSMOORTEL
Conducteur : Brigadier PAGES
Aide-pilote : Cuirassier DURIEUX
Chargeur. : Cuirassier SALOMON

Une fois débarqué c’est en train que Pierre et les chars du 1er Cuir vont rejoindre le secteur de Vesoul(70) en octobre 1944. Le Régiment reçoit l’ordre de se fractionner dans les sous-groupements (A, B et C) du C.C.4 (Combat Command n°4) qui sont mis à la disposition de la 2e Division d’Infanterie Marocaine. Celle-ci a pour mission de rompre la position défensive autour de Belfort en portant l’effort sur Héricourt. Le C.C.4 est chargé d’exploiter l’attaque le long de la N.83 en direction d’Arcey-Héricourt.
On peut lire dans le journal de marche du régiment le 16 novembre 1944 :
Le sous-groupement « B » marche sur Aibre et les points à l’Est de Héricourt. Le sous-groupement « A » débouchera derrière lui d’Arcay vers Echenans et Héricourt. Le sous-groupement « C » est en réserve sur le même axe ; —le mouvement commence à 8 h. 40. Le peloton LEFEBVRE en tête est arrête par des abatis minés et une arme anti-chars. Le « Lynx » est tiré mais détruit un 75 Pak sans lui-même être atteint. Mercier, puis Courson, déployés à droite de Lefebvre, poussent avec lui jusqu’à Déscendans. Fouille très longue du village.
L’ensemble Escadron-Compagnie fait 180 prisonniers environ. Du matériel est pris dont deux 75 Pak. Grosses pertes à la Légion qui perd plus du tiers de ses combattants. A 16h, la progression reprend derrière le peloton GUIBOUT et les T.D. Aibre est pris sans résistance et gardé pour la nuit.
Pour son action lors de ces combats Pierre Morinaux obtient sa première citation :
« Chef de char particulièrement courageux et adroit. Le 16 novembre 1944 devant Descendans, arrêté par un abattis et tiré par un Pak 40 riposte et détruit un deuxième Pak 40. Le 18 à Echenans, exploitant le renseignement d’un prisonnier qu’il interroge lui-même, s’avance dans le champs de tir d’un 88 et le détruit avant même qu’il ait pu tirer ».
Cette citation comporte l’attribution de la Croix de Guerre 1939-1945 avec Palme.

Le 21 novembre 1944 il participe à la libération de Mulhouse.
On le retrouve avec son équipage, dans le journal de marche du 1er Cuir en décembre 1944 sur les contres-fort vosgiens le 22 décembre 1944 :
« Après une nuit passée en alerte, l’infanterie attaque le village de La Place appuyée par les chars. Les Allemands résistent, retranchés dans les maisons. « L’ASPIC » est mis en flammes par un Panther, tout l’équipage sort indemne. « LA NOE » détruit un Sturmgeschutz. Le « LAON » met le char allemand Panther hors de combat et le « LEOPARD » l’achève. Le peloton Lefebvre avec les tirailleurs poursuit le nettoyage de la Place. A 14 h., un deuxième Sturmgeschutz, manœuvré par Sciard se replie et est mis en flammes par le « LYNX ». Le peloton Courson nettoie un hameau et fait 20 prisonniers, dont un officier. Pendant ce temps, violents tirs d’artillerie sur LA CHAPELLE et La PLACE, qui, malgré tout, finit par tomber entre nos mains. »

Le 1 février 1945 :
» le 2ème Escadron du 1er Cuir à 9 chars et nettoie les bois qui séparent FORTSCHWIHR de NEUF-BRISACH. Attaque normale, sans pertes ; peu de prisonniers : une vingtaine à HEXENACKER. Tirs des chars à grande distance sur la route APPENWIHR—LOGELHEIM. Plusieurs camions sont détruits. Des coups au but sont marqués par un Jagdpanther.
A 18 h. le sous-groupement est relevé par les Américains. Il remonte vers 20 h. sur BISCHWIHR et va prendre position près de Houssen au milieu de la nuit, en vue d’attaquer COLMAR par le Nord. «

Le 2 février 1945, Le 109th Régiment d’Infanterie US de la 28th Division d’Infanterie américaine laisse l’honneur au C.C.4 d’entrer en premier dans Colmar.
» A 6 h. 30 le sous-groupement B démarre. Le Combat Command 4 attaque Colmar. Le sous-groupement de Preval doit traverser, la ville en vitesse, nord-sud, et établir ensuite des bouchons face au sud et à l’ouest. Le peloton Courson en tête tombe sur le fossé anti-chars et doit le contourner pour finalement entrer dans la ville par la route 83. Les Allemands sont surpris, et n’attendaient pas l’attaque sur ce côté-là. Pour l’Escadron, pas de résistances importantes, mais de petits groupes qui s’attaquent surtout à l’infanterie. »
Un jeune Colmarien réfractaire de 17 ans, Marceau Hoeblich, s’est porté, de nuit, à la rencontre de la colonne du C.C.4 et après avoir pris contact avec le lieutenant de Courson, il guide la colonne du C.C.4 afin de contourner les fossés antichars et rejoindre la route de Strasbourg (actuellement rue de la 1ère Armée).

Il raconte : » Je suis monté à l’arrière du char(le Lynx) de mes amis français en me cramponnant à la tourelle. Au carrefour de la rue Fleischhauer, un tir de Panzerfaust atteint le côté avant gauche qui déchenille. Je saute en bas du char et, en courant, remonte la colonne à l’arrêt jusqu’à la patte d’oie (route de Selestat) ».

Le « Lynx » du 2ème peloton est « bazooké » par un panzerfaust allemand…le Maréchal des Logis Pierre MORINAUX est blessé mortellement et 2 autres membres d’équipage sont blessés dans le char. La Légion qui les accompagne a 14 tués et blessés.
Malgré cela, le sous-groupement traverse la ville, assez compact, sans gros accrochages. Des prisonniers sont ramassés sur la place Rapp. Le sous-groupement atteint la Croix-Blanche, puis l’agglomération côte 214 devant WINTZENHEIM, vers 12h. 30. C’est l’objectif fixé. «
Pierre MORINAUX décède le 2 février 1945 des suites de ses blessures au 14ème Bataillon Médical (2ème Cie).
Il est inhumé provisoirement au cimetière de Sainte Marie aux Mines (68) puis à Mulhouse jusqu’en 1948 date à laquelle sa famille récupère son corps pour l’enterré dans le cimetière communal de Berric dans son Morbihan natal.

A titre posthume pour son sacrifice ultime on lui décerne la Médaille Militaire avec la citation suivante :
« Jeune chef de char plein d’audace et de courage. S’est distingué dans tous les combats auxquels il a pris part, détruisant personnellement 4 canons de 75. Le 2 février 1945 entrant le premier dans Colmar y a trouvé une mort glorieuse alors qu’il cherchait à repérer les tireurs d’élite ennemis embusqués dans les maisons. Demeure un exemple pour les équipages de son escadron ».

« Mort pour la France » …il devait fêter ses 25 ans le 7 février 1945.
Ce n’est en 2002 que Marceau Hoeblich, le jeune colmarien qui était grimpé sur le Lynx pour entrer dans Colmar, apprend du Général Sciard la mort de Pierre Morinaux :
« Dans la lettre qu’il m’a adressée le 20 mars 2002 (…) le général Sciard m’informe que le Sherman « bazooké » était le Lynx. De sa tourelle ont été retirés le brigadier chef Helmsmoortel (tireur) le cuirassier Salomon (chargeur) tous deux blessés et un tué : le Maréchal des Logis Morineau (erreur d’orthographe sur ses papiers militaires) chef de char. Cette tragique conséquence m’était restée ignorée… » extrait de « Marceau Hoeblich La Libération de Colmar » aux éditions Jérôme Do Bentzinger 2002
En 2005, un an avant son décès, Marceau Hoeblich fait ériger une stèle pour Pierre Morinaux à l’endroit où le char Lynx a été touché, au croisement de la Rue de la Première Armée et de la rue Fleichhauer… où l’on peut toujours s’y recueillir.

Nous rendons hommage au courage et au sacrifice ultime de Pierre Morinaux pour libérer notre région du joug nazi.
Nous ne l’oublierons pas !





Pour découvrir l’Histoire de son frère Adrien : https://musee.turckheim-alsace.com/cartel/adrien-francois-morinaux-1921-1994/
