Garlin Murl CONNER 1919 – 1998

Garlin Murl Conner est né le 2 juin 1919 à Aaron dans le comté rural de Clinton dans le Kentucky.
Il est le troisième enfant d’une fratrie de 11 enfants. Toute sa famille, ses amis et ses voisins l’appellent « Murl ». Le lycée le plus proche est à 15 miles et il arrête sa scolarité en 8ème année. Il passe son adolescence à travailler dans la ferme familiale et sert dans le Civilian Conservation Corps.
Il s’enrôle dans l’armée le 1er mars 1941 à Louisville (Kentucky) et suit sa formation militaire de base à Fort Lewis (Washington), où il rejoint les rangs de la Company K du 3rd Battalion du 7th Infantry Regiment de la 3rd Infantry Division.
Après plusieurs mois d’entraînement il quitte le continent nord-américain avec son unité le 23 octobre 1942, pour débarquer sur les côtes nord-africaines le 8 novembre de la même année en prenant part à l’opération « Torch ».
Il va combattre pendant 28 mois consécutifs, soit 800 jours en première ligne.
Il participe à 10 campagnes militaires, 5 assauts amphibies et débarquements (Afrique du Nord – Sicile – Naples – Anzio -Provence), et il est blessé à 7 reprises.
Lors des dernières semaines des combats de la poche de Colmar, au matin du 24 janvier 1945, les troupes allemandes déclenchent une contre-attaque en périphérie de Colmar, en partant du village de Houssen vers le flanc gauche du 7th Infantry Regiment américain, qui est en position dans les bois au nord de ce village (bois du Rothleible et du Brunnwald).
Les forces allemandes fortent d’environ 600 fantassins, qui appartiennent en partie à la 2. Gebirgs-Division, sont appuyées par 6 blindés et chasseurs de chars. Les rapports américains font état de la présence de chars Mark VI (char » Tigre ») mais aucun blindé allemand de ce type n’a combattu en Alsace.
A ce moment là, le First Lieutnant Conner revient tout juste de convalescence, à la suite d’une blessure reçue peu de temps auparavant. D’après certains témoignages, il s’est enfui de l’hôpital où il séjournait, pour rejoindre son unité plus rapidement.
Au moment des faits, il occupe les fonctions d’Intelligence Staff Officer (officier d’Etat-Major de renseignement) au sein de l’état-major du 3rd Battalion du 7th Infantry Regiment, qui est sous les ordres du Lieutenant-Colonel Lloyd B. Ramsey. Ce dernier, se rend compte que son unité est menacée d’anéantissement et demande des volontaires pour aller au-devant de l’attaque allemande pour atteindre une position à partir de laquelle ils pourraient diriger des tirs d’artillerie sur les assaillants.
Le First Lieutnant Conner et le soldat Robert Dutil se portent immédiatement volontaires.
Faisant abstraction de leur propre sécurité, ils emportent avec eux un téléphone de campagne et courent 400 yards (environ 365 mètres) sous les tirs de l’artillerie ennemie, qui abattent les arbres sur leur chemin et projettent des centaines d’éclats meurtriers tout autour d’eux. En courant ils doivent dérouler une bobine de câble téléphonique derrière eux, afin de pouvoir rester en communication avec le poste de commandement du bataillon.
Après avoir atteint la première ligne de défense américaine, Conner avance encore de 30 yards (environ 27 mètres) au-delà des premières positions de combat et plonge dans un fossé peu profond, qui ne peut lui procurer qu’une protection minime contre les tirs adverses.
Alors que les obus explosent autour de lui, il dirige calmement plusieurs salves d’artillerie en direction de la contre-attaque allemande, rectifiant régulièrement les tirs, jusqu’à ce que l’adversaire soit contraint de stopper son avance et de s’abriter derrière une digue à proximité.
Son camarade Robert Dutil est quant à lui blessé pendant cette action.
Pendant trois heures d’affilés, le Lieutnant Conner parvient à maintenir sa position précaire, et endure les assauts répétés de l’infanterie allemande, qui progresse jusqu’à pratiquement 5 yards (environ 4 mètres) de sa position.
Alors que les soldats allemands se regroupent en vue de l’assaut final, son officier supérieur lui demande de se replier. Au lieu de cela, le Lieutnant Conner ordonne à l’artillerie de tirer sur sa propre position, au péril de sa vie. Malgré les obus qui martèlent sa position et explosent à proximité, il continue à diriger l’artillerie amie contre les assaillants qui grouillent autour de lui, jusqu’à ce que la contre-attaque soit définitivement brisée.
Les Allemands doivent battre en retraite, laissant une cinquantaine de morts sur le terrain et une centaine de blessés.
Pour son incroyable acte de courage qui a permit de sauver son unité de l’encerclement et d’éviter de lourdes pertes, le Lieutnant Conner se voit décerner la Distinguished Service Cross.

A la fin de son temps de service, le Lieutnant Conner retourne aux Etats-Unis, à Albany (Kentucky), en mai 1945.
Un défilé et une cérémonie ont lieu en son honneur sur la place de la ville, en présence du héros de la Première Guerre mondiale, le Sergeant Alvin C. York – le célèbre Sergeant York du film de 1941 ayant valu l’Oscar du meilleur acteur à Gary Cooper – résidant dans le Tennessee voisin. Conner et York, tous deux agriculteurs qui habitent à seulement dix miles de distance l’un de l’autre, deviennent de très bons amis.
Lors de cet événement, Conner se tient devant la foule rassemblée devant le palais de justice du comté de Clinton et déclare que son allocution sera sa première et sa dernière déclaration publique sur son temps dans la guerre.
Le bref discours de Conner ne dure qu’une dizaine de minutes, au cours desquelles il décrit sa participation au débarquement de novembre 1942 sur les côtes de Fedala, au Maroc, lors de l’opération Torch, le débarquement en Sicile, ainsi que les actions de son unité dans le sud de la France. Il ne dit pas un mot sur ses propres actes altruistes et valeureux, ni même mentionne l’événement de janvier 1945 près de Houssen, qui l’a amené à s’échapper d’un hôpital militaire où il guérissait de ses dernières blessures pour rejoindre la ligne de front.
Son supérieur, le Lieutnant-colonel Lloyd Ramsey dresse le portrait du Lieutnant Conner dans une lettre adressée à son père, au moment du renvoi de Conner aux États-Unis, en mars 1945 :
« Je viens de renvoyer un de mes officiers chez lui. Il s’agit de mon S-2 [officier de renseignement], le Lieutnant Garlin M. Conner, originaire d’Aaron, Kentucky. Je suis vraiment fier du lieutenant Conner. Il vous appellera probablement et, s’il le fait, il n’aura peut-être pas l’air d’un soldat. Il ressemblera à n’importe quel bon vieux gars de la campagne. Mais, à mon avis, il est l’un des soldats les plus remarquables de cette guerre, sinon le plus exceptionnel. Il a été sergent jusqu’en juillet et est maintenant premier lieutenant. Il a la D.S.C. [Distinguished Service Cross], qui aurait pu être, je pense, une Medal of Honor. Mais il rentrait chez lui et nous voulions lui donner ce qu’il méritait avant son départ. Il possède une Silver Star à 4 palmes, une Bronze Star, une Purple Heart à 6 palmes et est en lice pour une médaille française. Lors de cette dernière poussée, en deux semaines, il a obtenu la D.S.C., ainsi qu’un cluster à sa Silver Star et à sa Bronze Star. Je n’ai jamais vu un homme avec autant de courage et de capacités que lui. D’habitude, je ne me vante pas beaucoup de mes officiers, mais c’est un officier dont personne ne pourrait assez se vanter et lui rendre justice ; c’est un vrai soldat ! »
Il est démobilisé de l’Armée le 22 juin 1945 et épouse le 9 juillet 1945, Lyda Pauline Wells (né le 4 juin 1929). Le couple s’installe dans l’Indian Creek, à quelques miles au nord d’Albany.

Garlin M. Conner vit humblement en exploitant sa ferme de 36 acres, dépourvue d’électricité et d’eau courante, entouré de sa femme et de son fils Paul.

Pendant tout ce temps, il évoque rarement la Seconde Guerre mondiale ou le rôle qu’il a joué, mais contribue à soutenir la cause des anciens combattants en matière de pension et de soins, au sein de plusieurs associations de vétérans.
Garlin M. Conner est finalement présenté pour la Medal of Honor de nombreuses années plus tard, lorsque Richard Chilton, neveu d’un ancien camarade du front de Conner vient le rencontrer en 1996, à la recherche d’informations sur la disparition de son oncle lors du débarquement d’Anzio. Lors de cette rencontre, Pauline Conner suggére à son mari de trier ses anciens dossiers de guerre, pour tenter d’y trouver des informations sur l’oncle de Chilton. Elle sort alors le vieux sac de paquetage de Murl, qui contient ses papiers, ses dossiers militaires, ainsi qu’une petite boîte en carton recelant toutes ses médailles.
En lisant les rapports militaires sur ses actions en Afrique, en Sicile et en Italie, ainsi qu’à Houssen en janvier 1945, Chilton ne peut pas croire que Conner n’ait jamais été pressenti pour l’attribution d’une Medal of Honor, et demande s’il peut lancer une procédure en ce sens.
Pauline Conner dira plus tard que son époux avait les larmes aux yeux alors qu’il hochait « oui » de la tête.

Ce fut donc près de 50 ans après les faits que les actes héroïques de Garlin M. Conner pendant la Seconde Guerre mondiale furent enfin connus de son fils Paul, ainsi que de l’ensemble de la communauté d’Albany et du comté de Clinton, et des Etats-Unis tout entiers.
Alors que le Lieutnant-colonel Ramsey est interrogé sur la raison pour laquelle il n’avait pas essayé d’obtenir à Conner la Medal of Honor pour son action héroïque près de Houssen, celui-ci a répondu qu’il avait essayé mais que ses supérieurs exigeaient plus de détails, ce à quoi il avait répondu : « Je n’ai pas le temps de fournir plus de détails. Je commande un bataillon de 900 hommes ». Il a ajouté que les soldats « étaient plus importants qu’une médaille à ce stade du jeu. »
Ramsey a en outre expliqué que « remplir des formulaires et des formalités administratives n’était pas une priorité à cette époque et une médaille n’était pas non plus une préoccupation pour Garlin Conner à aucun moment du combat. »
En fait, Ramsey pensait – à tort – qu’il était le seul témoin de l’incroyable acte d’héroïsme de Conner ce jour-là. Qui plus est, il avait été blessé au combat le même jour et a dû subir une intervention chirurgicale le lendemain, pour retirer plusieurs éclats d’obus de son dos.
Dans une lettre de 2003 adressée à Ed Whitfield, membre du Congrès du Kentucky, Ramsey argumente en faveur du Lieutnant Conner, en disant « Il n’y avait pas de meilleur combattant, aucun qui ait donné plus, sacrifié plus, ni risqué sa vie au-delà de l’appel du devoir plus de fois que Garlin M. Conner. »
De plus, Ramsey ne s’est rendu compte que plusieurs années plus tard que trois autres témoins oculaires ont pu confirmer les actions de Conner.
En 2006, il ajoute que « l’un des pires regrets de ma carrière est de ne pas avoir reçu la Medal of Honor pour le soldat le plus remarquable que j’ai eu le privilège de commander. »
Les soldats ayant servi sous le commandement de Conner ont également résumé leurs sentiments à son égard en disant : « J’avais une telle confiance dans le lieutenant Conner que je l’aurais suivi partout où il voulait aller. »
Garlin M. Conner ne vit pas assez longtemps pour voir l’aboutissement de la quête de Richard Chilton pour l’obtention de sa Medal of Honor.
Il décède à l’âge de 79 ans, le 5 novembre 1998 après avoir lutté contre une insuffisance rénale et le diabète. Il est inhumé au Memorial Hill Cemetery à Albany.

La requête est, dans un premier temps, rejetée pour prescription, mais est ensuite portée en appel devant la Cour d’appel des États-Unis.
En 2017, l’avocate Candace Hill, chargée de représenter la position du gouvernement, plaide durant 15 minutes contre l’appel de Conner. Elle révèle toutefois ses véritables sentiments à la fin de l’audience lorsqu’elle fond en larmes alors qu’elle évoque le souvenir de son père, officier dans la même unité que Conner pendant la Seconde Guerre mondiale : son père se trouvait à Houssen et avait subi une grave blessure à la jambe lors de l’attaque allemande du 25 janvier 1945, un jour après que Conner ait appelé à lui seul l’artillerie sur sa position pour arrêter l’attaque des chars et de l’infanterie allemandes. Elle déclare : « Pour autant que je sache, Garlin Conner a peut-être contribué à lui sauver la vie. »
Selon un rapport de l’Associated Press, les paroles de Hill ont convaincu la commission d’appel de soumettre le cas de Conner à un médiateur fédéral qui a ensuite ordonné à l’armée d’accorder une nouvelle audience et d’examiner toutes les preuves, y compris tous les témoignages oculaires. Peu de temps après, la demande de Pauline Conner de reclasser la Distinguished Service Cross de son défunt époux en Medal of Honor fut approuvée par le secrétaire de la Défense et le Président des Etats-Unis.
Cette quête de plus de deux décennies s’achève avec succès le 26 juin 2017, lorsque Donald Trump décerne la Medal of Honor à titre posthume à Garlin M. Conner, lors d’une cérémonie à la Maison Blanche en présence de la veuve de ce dernier, Pauline Conner.

On a demandé à Pauline ce qu’elle pensait que son mari dirait s’il était encore en vie. Pauline a réfléchi un instant. Elle s’est souvenue que son mari ne voulait peut-être pas de cet honneur et qu’il l’écarterait une fois de plus. Il pourrait s’en remettre aux hommes aux côtés desquels il s’est battu. Mais Pauline dit qu’elle a senti que l’attitude de son mari à l’égard de l’honneur avait changé au cours de ses dernières années. Elle se souvient de son regret lors de la réunion de 1996 avec Chilton. Peut-être que Conner pourrait se contenter d’un coup de chapeau et d’un sourire.
« Il me manque plus que tout », dit Pauline avec nostalgie….et j’aimerais qu’il soit là pour pouvoir aller chercher la médaille lui-même. Parce que je pense qu’il en aurait été fier. Je sais qu’il l’aurait été. J’ai toujours pensé qu’il n’en voulait pas dans sa jeunesse. Et ce n’était pas vraiment le cas…quand il est devenu plus vieux, il a regretté de ne pas l’avoir fait. »

Le 14 mai 2024, Lyda Pauline Wells Conner rejoint « Murl » pour l’éternité, juste quelques jours avant son 95ème anniversaire.
Ses décorations :
Medal of Honor,
Distinguished Service Cross,
the Silver Star with three Bronze Oak Leaf Clusters,
the Bronze Star Medal,
the Purple Heart with two Bronze Oak Leaf Clusters,
the Army Good Conduct Medal,
the American Defense Service Medal,
the American Campaign Medal,
the European-African-Middle Eastern Campaign Medal with Bronze Arrowhead and two Silver Service Stars,
the World War II Victory Medal,
the Presidential Unit Citation with one Bronze Oak Leaf Cluster,
the Combat Infantryman Badge,
the Expert Infantryman Badge,
the French Croix de Guerre, the French Fourragere and the Honorable Service Lapel Button-WWII.